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L'actualité sociale avec le décodeur
Antoinisme : un culte simple et belge
Les belles heures de l’antoinisme sont loin. Pourtant, ce culte guérisseur né en région liégeoise au début du XXe siècle, dans le bassin ouvrier de Jemeppe-sur-Meuse, continue de drainer dans ses temples quelques adeptes en quête de simplicité, loin des ors et des dogmes.
Julie Luong 08-09-2021 Alter Échos n° 496
Non loin de la gare de Jemeppe-sur-Meuse, quelque part entre une station Texaco et un McDo, le temple antoiniste dresse ses façades claires au coin de la rue Rousseau et de la rue des Tomballes. Nous sommes au « centre mondial » de l’antoinisme, là où tout a commencé, là où tout vivote encore, de même qu’à Angleur ou Retinne – pas vraiment des repaires de riches. Sur la porte verte à double battant, une affiche annonce « lecture le dimanche à 10 h ». À l’intérieur, en ce dimanche d’août, une douzaine de personnes ont pris place sur les bancs de bois face à un immense tableau noir affichant en lettres blanches de taille variable un extrait du texte antoiniste « L’Auréole de la conscience » : « Un seul remède peut guérir l’humanité : la foi ; c’est de la foi que naît l’amour : l’amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même ; ne pas aimer ses ennemis, c’est ne pas aimer Dieu ; car c’est l’amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir ; c’est le seul amour qui nous fait vraiment aimer parce qu’il est pur et de vérité. » Pour l’essentiel, l’assistance est composée de femmes courbées, chétives. Dans le fond, trois ombres, trois hommes habillés en long manteau noir sont assis en ordre croissant. Le premier, frêle, avec de fines lunettes, ressemble à Fernando Pessoa. Le deuxième, de taille moyenne, attire l’attention sur le dernier, très grand, hiératique, portant longue barbe blanche à la manière du père Antoine, fondateur du culte. Ce sont des « costumés », des adeptes qui désirent montrer leur appartenance à l’antoinisme, comme sur ces photos d’archives où des cortèges noirs de guéris envahissaient les rues de Jemeppe au grand dam du curé et des médecins sérieux. « Au départ, le Père avait instauré la robe à la manière de l’uniforme dans les écoles, pour que chacun soit sur le même degré social, raconte le frère René Balthazar, le ‘desservant’ qui assure aujourd’hui la lecture. La robe permet d’entrer plus facilement dans notre moi intérieur. Mais l’enseignement précise aussi qu’elle peut nous faire du mal si on l’utilise à mauvais escient. »
Amour gratuit
La lecture, une vingtaine de minutes environ, se fera sans musique, sans bougie, sans encens et sans chant. Un culte épuré, d’une simplicité déconcertante. « Plus c’est simple, plus on peut rentrer en soi. Il n’y a pas fioritures », commente le frère René Balthazar qui assure avoir croisé, en vingt ans d’antoinisme, toutes les couches de la société, des plus riches aux plus pauvres, des moins aux plus lettrés. « Bien sûr, Jemeppe est un milieu prolétaire. Beaucoup de gens du voyage s’intéressent aussi au culte, précise celui qui fut précédemment attaché 10 ans au temple de Spa. Moi, je n’ai fait aucune étude, mais ma foi me permet de répondre aux questions à l’aide de ma conscience, non de l’intellect. Le Père va jusqu’à dire que ce sont les moins intelligents qui comprennent le mieux le texte. » À 57 ans, René Balthazar, employé chez Bpost, est aussi père de deux jeunes enfants et marié à une femme athée, très peu intéressée par l’antoinisme, même s’il arrive au couple de « raisonner » sur des questions morales. Lui-même vient d’un milieu « rouge », plutôt bouffeur de curés. Il s’est intéressé au culte après s’être souvenu que la mère de sa première petite amie y venait chaque semaine. « Au début, je ne comprenais rien aux lectures. Je suis venu parce qu’à cette époque-là, j’étais mal dans ma peau. Au lieu de m’enfoncer, ici, on m’a reboosté et cela en ne m’imposant rien ! Donc au fur et à mesure, je me suis dit que c’était quand même pas mal… On m’a accueilli ici avec amour, on ne me demandait ni argent ni de revenir, ni comment je m’appelais ni où j’habitais… C’est assez rare non, qu’on vous donne sans rien vous demander ? Je me suis dit : ‘C’est quoi ça ?’ »
« Il y a souvent des curieux, d’autant qu’il n’est pas rare, dans la région, de rencontrer des personnes qui ont encore dans leur portefeuille une photo du Père. » Frère René Balthazar
Après la lecture, une femme plus jeune que les autres interpelle René Balthazar. Elle voudrait en savoir plus sur l’antoinisme et qu’il lui dise par quel livre commencer car elle a appris que sa grand-mère pratiquait autrefois le culte. « Il y a souvent des curieux, d’autant qu’il n’est pas rare, dans la région, de rencontrer des personnes qui ont encore dans leur portefeuille une photo du Père », commente René Balthazar. Une habituée requiert une « consultation » et se retire à sa suite dans une pièce à l’écart. Tandis que les trois costumés tiennent un intrigant conciliabule sur le trottoir d’en face, une autre adepte attend son tour. « Je viens régulièrement », nous dit cette femme qui se déplace difficilement, un sac en plastique à la main. « Les consultations portent souvent sur des questions matérielles : le travail, les relations, des soucis familiaux, détaille René Balthazar. Mais moi, je n’ai pas de boule de cristal, pas de baguette magique. Je ne suis personne, mais j’essaie de les encourager à suivre leur pensée, à acquérir une petite parcelle de foi. » L’autre jour, le Frère a reçu en « consultation » un père de famille qui se désolait du climat de conflit permanent avec ses enfants. Il lui a conseillé de ne pas « utiliser le même fluide ». Alors, ce père s’est tu, il a laissé ses enfants crier sans renchérir et, à son grand étonnement, la situation s’est apaisée d’elle-même. « L’aspect psychologique est très important, confirme René Balthazar. Il faut comprendre ce que la personne est venue chercher, quels sont ses maux, mais cela, on ne peut le comprendre que si on a la foi. »
Enfoncés dans la matière
Louis-Joseph Antoine (1846-1912), le fondateur du culte, était ouvrier métallurgiste. Élevé dans une famille catholique, il savait à peine lire et écrire, mais a développé très tôt un rapport intense à la prière, allant jusqu’à s’éclipser plusieurs fois par jour de son travail pour se recueillir. Il s’est intéressé ensuite au spiritisme avant que la mort de son fils à 20 ans ne bouleverse sa vie. Après cette grande épreuve, il se découvrira des dons de guérison et commencera à consulter gratuitement à son domicile de la rue des Tomballes, attirant l’importante population ouvrière des environs, qui voit en cet homme simple une alternative aux deux autorités de l’époque : le catholicisme et la médecine. Peu à peu, le père Antoine fonde sa propre doctrine et fait construire le premier temple antoiniste à l’emplacement de sa maison personnelle. Celui-ci est consacré le 15 août 1910. Après sa mort en 1912 – sa « désincarnation », disent les adeptes –, sa veuve, Jeanne-Catherine Collon, dite la « mère Antoine », assure la structuration du culte. Soixante-quatre temples seront érigés au total, essentiellement en Belgique et en France, de même que quarante salles de lecture à travers le monde, en ce compris au Brésil. Avec quelque 700.000 sympathisants, dont 300.000 en Belgique dans les années 20, le culte antoiniste est considéré par certains journaux de l’époque comme « la deuxième religion de Belgique » et selon l’historien Pierre Debouxhtay (« Antoine le guérisseur et l’antoinisme », Fernand Gothier éditeur, 1934) comme un « phénomène social unique en Wallonie ».
« Je viens du nord de la France, une autre région industrielle marquée par le socialisme. Or le fait qu’un simple ouvrier métallurgiste qui savait à peine lire et écrire réussisse à élaborer une pensée aussi profonde me fascine complètement. » Guillaume Chapheau, antoiniste
Malgré les soupçons de « secte » qui ont ponctuellement pesé sur le culte, l’antoinisme a toujours été dédouané : certes, les textes peuvent paraître embrouillés et redondants, certes les antoinistes croient aux pouvoirs de la foi, mais ils n’ont jamais encouragé les adeptes à s’éloigner de la médecine traditionnelle, à rompre avec leurs familles ou à se dépouiller de leurs biens, pas plus qu’ils ne pratiquent le prosélytisme. Le culte antoiniste repose en fait sur un principe très simple : la possibilité de soulager la souffrance physique et morale par l’amour et la foi. « L’idée de l’antoinisme, c’est que, si la foi est suffisante, cela suffit à guérir la personne », résume le frère Guillaume Chapheau, que nous joignons en Allemagne où il vit avec son compagnon. Originaire de Lille, ce quarantenaire lexicographe a découvert l’antoinisme lors d’un passage à Liège il y a quinze ans, après avoir remarqué le temple antoiniste de la rue Hors-Château, au pied de la montagne de Bueren. « À partir de là, j’ai commencé à me renseigner. J’étais en recherche d’une communauté de croyances. Je m’intéressais beaucoup au judaïsme, mais il fallait respecter beaucoup de règles. Je suis homosexuel, or, l’antoinisme met de côté tout ce côté matériel. C’est le côté spirituel qui prime à leurs yeux », résume-t-il. Guillaume Chapheau n’est pas non plus indifférent aux origines prolétaires du culte : « Je viens du nord de la France, une autre région industrielle marquée par le socialisme. Or le fait qu’un simple ouvrier métallurgiste qui savait à peine lire et écrire réussisse à élaborer une pensée aussi profonde me fascine complètement. »
Comme le frère René Balthazar, Guillaume Chapheau, sans faire la publicité de ses convictions, ne les tourne pas non plus en secret. « Je dis à toutes les personnes qui sont mes amis que je suis antoiniste comme je dis que je suis homosexuel. Mais certains d’entre eux me disent que, lorsque je raconte tout ça, c’est comme si je n’y croyais pas moi-même ! La vérité, c’est que j’essaie d’y mettre beaucoup d’humour pour que ça passe, parce que les idées de l’antoinisme sont totalement à contre-courant… » D’après lui, ces préceptes peuvent se résumer de la manière suivante : aimer son prochain, y compris son ennemi, montrer l’exemple, s’améliorer moralement, mais surtout « concevoir qu’on est tous une parcelle de Dieu, que Dieu est en nous, et que ce n’est pas le monde qui change, mais que c’est nous qui changeons et qu’en changeant, nous changeons le monde… une idée qui me paraît très actuelle, notamment par rapport aux questions environnementales ». Malgré la faible fréquentation actuelle des temples, René Balthazar n’est pas moins optimiste quant à l’avenir de l’antoinisme. « Nous nous sommes enfoncés dans la matière à un point inimaginable : on ne peut que revenir vers le spirituel. Les antoinistes sont d’ailleurs convaincus qu’au plus profond de soi, chacun a une dimension spirituelle. Et les jeunes s’intéressent beaucoup aux questions de spiritualité. Mère avait d’ailleurs prédit qu’on sauterait une génération. Ce qui compte n’est d’ailleurs pas le nombre d’adeptes, mais la quantité de fluide qui circule. » Une question de foi.
Julie Luong
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Auteur : Albert Monniot
Titre : L'Antoinisme
In Revue internationale des Sociétés secrètes, 1914 (Tome VII, N°3)
Organe de la Ligne franc-catholique
contre les sociétés secrètes maçonniques ou occultes et leurs filiales
Partie Judéo-occultiste
Albert Monniot (1862-1938) est un écrivain, essayiste, journaliste et militant contre-révolutionnaire français, proche d'Édouard Drumont, antisémite notoire, avec qui il collabore au journal La Libre Parole, dont il sera secrétaire de rédaction à partir de 1893. Il est d'ailleurs témoin de Drumont lors de son célèbre duel contre Georges Clemenceau en 1898.
Il s'agit ici d'une des premières études (du point de vue catholique) sur l'antoinisme. Il cite donc largement un autre journaliste, André Kervyn.
En voici la teneur :L'ANTOINISME
Devenu l'ennemi de Robespierre après avoir été son âme damnée, le policier Sénar flânait un jour rue Contrescarpe, près de l'Estrapade, à quelques pas de la maison où le huguenot Reybaz avait rédigé les discours que prononçait Mirabeau.
Son flair ou son désœuvrement lui suggérèrent la pensée d'entrer à l'une de ces représentations que donnait une vieille femme du nom de Catherine Théot que ses fidèles, sans doute hellénisants, appelaient la Mère de Dieu.
Pénétrant dans la salle, il fut reçu par des hommes en robe blanche et s'assit pendant qu'on allumait les lustres.
Des chants s'élevèrent alors, et bientôt apparut une vieille femme dont la tête et les mains s'agitaient perpétuellement.
Elle s'avança, soutenue par des prêtresses de son culte, s'assit dans un fauteuil blanc, et l'adoration commença.
C'étaient des agenouillements, des baisements de pieds et de bouche, des lavements de mains dans des cuvettes d'argent, et enfin l'absorption gloutonne d'un grand bol de café au lait solennellement apporté, ce déjeuner symbolisant sans doute une sorte de communion.
Puis l'adoration recommençait, présidée par dom Gerle, un capucin défroqué.
Un mélange extraordinaire de litanies, de baisers humides, de génuflexions, de gestes d'exorciseurs, puis de cantiques où l'on célébrait le fameux Etre suprême de Robespierre terminait la cérémonie.
— Allons, se dit Sénar en sortant, je n'ai pas perdu ma journée.
Il courut au Comité de Sûreté générale, où il raconta ce qu'il avait vu aux plus excités contre Robespierre.
— Il faut arrêter toute la maisonnée, dit Vadier.
— Donne-moi un ordre !
Ce ne fut pas long, et voici d'après M. de Batz, le descendant du fameux conspirateur royaliste à qui j'emprunte ces pittoresques détails, quel fut le rapport de Sénar sur son expédition :
« J'arrêtai la Mère de Dieu, l'éclaireur, la colombe, le chanteur, le frère servant.... Ensuite, je cherchai les papiers.
« Il n'y en avait pas.
« Je ne trouvai qu'une certaine lettre écrite à Robespierre et dans laquelle elle l'appelait « son premier prophète, son ministre chéri », et le félicitait sur les honneurs qu'il rendait à l'Etre suprême, son fils. »
Chez dom Gerle, on trouva un certificat de protection que lui avait accordé Robespierre.
Aussi le lendemain, à la Convention, pendant que Vadier dirigeait des attaques sournoises contre le dictateur, les conventionnels chuchotaient l'anecdote et goguenardaient en regardant « le rénovateur du culte ».
Robespierre faisait rire, Robespierre était perdu.
Telle fut l'aventure qui servit de prélude au 9 thermidor.
... Je ne crois pas que l'Antoinisme puisse et doive avoir une telle répercussion sur les destinées d'aucun pays ; je crois seulement qu'on assisterait à un spectacle à peu près analogue à celui qui ravit le policier Sénar, si l'on pénétrait dans l'un des temples que l'Antoinisme, jalonnant ses conquêtes, vient d'ériger et d'ouvrir à Paris et à Monaco. Parti de Jemeppe-sur-Meuse (Belgique), l'Antoinisme, en effet, a déjà gagné la Méditerranée : il la franchira d'un nouvel élan, et l'Islam n'aurait qu'à bien se tenir, si l'Antoinisme ne se réclamait de toutes les religions, ou plutôt ne les admettait toutes.
L'analogie se compléterait de l'identité de sexe des Pontifes, Mme Antoine ayant pris la suite des affaires de son mari, après avoir dûment hérité de sa quasi toute-puissance.
A en juger sur les apparences, voilà au moins une entreprise qui n'aura rien perdu à tomber en quenouille.
Mais qu'est-ce qu'Antoine ? qu'est-ce que le culte Antoiniste ?*
* *Louis Antoine est né à Mons-Crotteux, province de Liège, en 1846. Son père étant mineur, lui-même descendit dans la fosse à l'âge de 12 ans ; mais les entrailles de la terre ne convenaient guère au prédestiné qui devait apporter la lumière à notre pauvre humanité, et bientôt il remonta à l'air et à la vie, au grand soleil, en se faisant ouvrier métallurgiste.
Ce goût pour les « métaux » devait plus tard lui tracer sa voie. A 24 ans, il quittait la Belgique pour aller faire un séjour de cinq ans en Allemagne, et, quoique ses biographes prétendent que rien de particulier ne signala sa jeunesse, il n'est pas téméraire de penser que ce séjour au pays de Luther et de la Réforme eut quelque influence sur son ultime avatar.
Après un nouveau séjour à Praga, en Pologne russe, Antoine réintégrait son pays natal, la Belgique, et s'installait à Jemeppe-sur-Meuse, dont il allait rendre le nom fameux.
Entre temps, s'il est permis de parler aussi irrévérencieusement, il était revenu faire un tour au pays et avait épousé une femme dont il avait fait la connaissance avant son départ.
Jusque-là, le brave ouvrier restait enveloppé dans les ténèbres de l'obscurantisme et pataugeait dans les marais de l'erreur : il était simplement catholique, comme vous et moi.
Un douloureux événement vint décider de la carrière d'Antoine.
Il perdit un fils unique âgé de 20 ans.
Le père et la mère, ces simples, apprirent par hasard que le spiritisme donnait la communication avec les morts : ils fréquentèrent alors des séances où le cher disparu leur révéla lui-même qu'il était établi pharmacien à Paris.
On a bien raison de dire que les morts vont vite.
Les braves gens jugèrent inutile d'aller vérifier, et cela pour deux raisons : la première, c'est qu'ils avaient toutes facilités pour converser sur place ; la seconde, c'est que le disparu s'éclipsait toujours sans laisser d'adresse.
Il y eut bien des mécréants pour prétendre qu'un pharmacien devait figurer au Bottin, et qu'Antoine fils y était introuvable : on leur répondit victorieusement que c'était jeu d'enfant de changer de nom pour qui changeait de corps. Bref, Antoine fut captivé par le spiritisme, et d'élève devint bientôt maître. A partir du moment où son passé se dégage des brumes épaisses pour apparaître en pleine lumière de la notoriété, on le trouve à la tête des Vignerons du Seigneur.
Les vignes du Seigneur ayant une assez fâcheuse réputation, on pourrait croire qu'Antoine, globe-trotter impénitent, était devenu le chef de quelque tribu de gloutons comme « les Gosiers en pente » ou « les Beni-Bouffe-Tout » : il n'en est rien, et je dois dire tout de suite qu'ayant un déplorable estomac, Antoine s'adonnait au végétarisme qu'il devait plus tard faire entrer dans sa doctrine.
Les Vignerons du Seigneur constituaient simplement une entreprise spirite permettant à chacun de communiquer avec les morts — moyennant, j'imagine, une honnête rémunération, comparable à celle qui est perçue à l'entrée des cabines téléphoniques.
On pouvait prendre rendez-vous avec les défunts, toujours exacts, à 10 heures du matin et à 5 heures du soir, ce qui laisse supposer que la communication n'était interrompue que par l'heure des repas.
Il est de vieilles habitudes dont on ne se défait pas aisément.
Une particularité remarquable, c'est que les évoqués de la maison Antoine, fussent-ils défunts empereurs d'Allemagne ou sultans de Zanzibar, parlaient tous avec un fort accent wallon.
Antoine édita bientôt une sorte de catéchisme spirite, fait d'emprunts à Allan-Kardec. S'il avait, au temps de ses voyages, poussé plus loin sa pointe vers l'Orient, il eût appris des bouddhistes japonais qu'Allan-Kardec n'avait rien inventé, pas même sa thèse des vies successives et des réincarnations jusqu'à la perfection.
Mais ne reprochons pas à Antoine ces emprunts, puisqu'il devait créer, sinon une religion, au moins un culte. La maison prospérant, Antoine annexa, au salon de conversation entre anthumes et posthumes, un cabinet pour « le soulagement de toutes les maladies, afflictions morales et physiques ». Un certain docteur Carita, désincarné naturellement, fut placé à la tête de ce cabinet. On ne nous dit pas s'il partageait les bénéfices provenant de ses ordonnances avec l'apothicaire si prématurément enlevé à l'affection du Père Antoine.
Peut-être y eut-il des difficultés dans les règlements, car un beau jour Antoine se passa du ministère du docteur et formula lui-même les ordonnances où l'hygiène se combinait harmonieusement avec la morale. Bientôt même, il supprima les tables tournantes et les bruyantes évocations, congédia les esprits et se mit à opérer lui-même la guérison des corps et l'endoctrinement des intelligences ; pour avoir ainsi résolu le problème social de la suppression des intermédiaires, Antoine le Guérisseur fut excommunié par le spiritisme.
De ce schisme allait naître l'Antoinisme.*
* *Il faudrait tout ignorer de notre temps pour supposer que la clientèle d'Antoine diminuait au fur et à mesure qu'il enflait sa personnalité. Au contraire, des foules commençaient à se presser à Jemeppe, et la réputation du Guérisseur franchissait les frontières de la petite Belgique. Ne lui attribuait-on pas quantité de guérisons miraculeuses, d'autant plus indiscutables qu'aucune n'était précisée ni vérifiée.
Le zouave Jacob dut connaître ces heures triomphales ; mais encore régalait-il ses visiteurs d'un air de trombone à coulisse, probablement destiné à mettre en fuite l'esprit malin qui taquine les malades, tandis que le thaumaturge de Jemeppe ne jouait d'aucun autre instrument que la sottise, l'insondable sottise humaine.
C'est un fait constant que les temps de scepticisme et d'incroyance sont éminemment propices aux exploiteurs de surnaturel et de mystérieux, à tous les découvreurs de pierre philosophale et marchands d'orviétan. Tireuses de cartes, somnambules et sibylles de tout acabit font des affaires d'or depuis que des gouvernants, réalisant le rêve des Géants, ont escaladé le ciel et décroché les étoiles.
S'il était à peu près illettré, sachant tout juste signer, le Père Antoine connaissait son temps et avait le sens de l'opportunité.
Il comprit que ses affaires n'atteindraient pas leur plein développement tant que ses adeptes devraient faire le coûteux voyage de Jemeppe. Il lui fallait matérialiser de quelque manière sa puissance curative pour l'expédier à domicile, réaliser ce qu'en mécanique on appelle, je crois, le transport de la force à distance.
C'est alors qu'il découvrit la liqueur Coune, 2 fr. 50 le flacon, 5 fr. la bouteille, franco de port et d'emballage.
Grâce à la firme du pontife de Jemeppe, cette précieuse liqueur conquit vite la célébrité : tous les adeptes vous diront que, dosée par le Père Antoine, elle avait la même efficacité contre l'hypertrophie du foie que contre l'ongle incarné — si ce dernier terme n'est pas déplacé dans la thérapeutique d'un renégat du spiritisme.
Mais la justice, la stupide justice des hommes, s'avisa d'intervenir dans ce lucratif commerce, et une banale accusation d'exercice illégal de la médecine vint mettre un terme à la carrière, qui s'annonçait glorieuse, d'une panacée qui, entre autres bien faits, prémunissait déjà contre le choléra, ce fléau.
Comme un simple mortel, Antoine le Guérisseur fut condamné à 52 francs d'amende : encore dut-il bénéficier de fortes circonstances atténuantes, son extraordinaire ignorance pouvant lui conférer le privilège exclusif d'ignorer la loi.
C'en était fait de la liqueur Antoiniste, plus fameuse pourtant que toutes les liqueurs qui enrichissent en l'illustrant la quatrième page des journaux.
D'autres se fussent rebutés et eussent mis les volets à leur boutique : Antoine eut un trait de génie, tout simplement.
— « On me tracasse parce que je mets quelque chose dans mon liquide, pensa-t-il ; soit, je n'y mettrai plus rien du tout, je vendrai de l'eau pure. »
Cela n'a l'air de rien ; mais c'est comme l'œuf de Christophe Colomb — qui, lui aussi, découvrit un nouveau monde : il fallait y penser.
Antoine vendrait donc de l'eau, mais de l'eau magnétisée, de l'eau véhiculant ses propres fluides.
Les fluides ont ce premier et appréciable avantage sur la matière qu'ils ne sont pas soumis à l'impôt, et cet autre, en l'occurrence, qu'ils ne paieraient aucune redevance de fabrication, le Père Antoine devant être sa propre usine ; de plus, ils ne pouvaient provoquer de conflit avec le Codex qui feint de les ignorer.
La condamnation du Père Antoine n'avait fait que redoubler l'enthousiasme de ses adeptes, la persécution nimbait son front de l'auréole du martyr, et ce léger halo de 52 francs lui suffit pour convaincre les masses de son pouvoir de magnétiser l'eau.
Dès lors, Jemeppe retentit nuit et jour du gémissement des pompes : une passe magnétique sur les bouteilles emplies, plusieurs passes pour les cas les plus réfractaires, et l'eau bienfaisante, aux multiples propriétés curatives, se répandait dans le monde des malades, Antoine, à cette époque, n'ayant encore entrepris que la guérison des corps.
Emplissez, chargez, expédiez : la miraculeuse industrie s'accomplissait en trois temps.
Elle nécessitait pourtant quelque main-d'œuvre, et quand il eut soumis à cette épreuve victorieuse l'inébranlable foi de ses adeptes, le Père Antoine songea à se débarrasser des impedimenta. Que ne pouvait-il entreprendre, et quels longs espoirs ne lui étaient pas permis ?
Simplifier, c'est le dernier mot du progrès, et le Père Antoine était un homme de progrès.
Quand vous voulez faire transporter à distance une grosse somme, vous encombrez-vous de lourds sacs d'écus ? Fi donc ! ces procédés sommaires convenaient aux temps d'obscurantisme.
Aujourd'hui, une simple feuille de papier remplit l'office, et chacun connaît l'usage du chèque et du mandat postal.
Ces transformations n'avaient pas échappé à l'esprit judicieux du Père Antoine qui s'avisa un beau jour de licencier son corps de pompiers, de vendre son fonds de bouteilles, et de convertir — car déjà il avait le prurit de la conversion — tout ce coûteux attirail en papier.
Eh! oui, le papier magnétisé : telle était la dernière trouvaille. C'est au papier que le Père Antoine allait désormais confier ses bienfaisants effluves, qu'ainsi il monnayait en modern-style.
Jusqu'alors, il avait cru devoir opérer en public le chargement fluidique de ses bouteilles, et l'extraction des effluves n'allait pas sans fatigantes contorsions.
Désormais, l'émission destinée au papier se ferait dans le privé, et c'était là encore une appréciable économie.
On fit confiance au Guérisseur et aucun schisme ne se produisit : l'Antoinisme n'eut pas ses convulsionnaires.
Il y eut bien quelques petites anicroches à la réputation du Guérisseur, témoin cette histoire contée par un de nos confrères belges, M. André Kervyn :« Un de nos amis se souvient de cette troisième phase : il a le plaisir de posséder quelques échantillons du fameux papier magnétisé. Il nous a raconté un trait qui montre qu'Antoine ne se défendait pas de donner avec son papier, des conseils d'hygiène, d'ailleurs inoffensifs.
« Une dame, nous dit-il, vint un jour m'annoncer qu'elle se proposait de consulter Antoine.
« La clientèle du Guérisseur était surtout féminine à cette époque.
« Je demandai à cette personne :
— « Aimez-vous la pâtisserie ?
— « Je n'en prends jamais.
— « Mangez-vous beaucoup de pommes de terre ?
— « Beaucoup ? non. Mais pourquoi ces questions ?
— « C'est que M. Antoine vous révélera que vous abusez de la pâtisserie et des pommes de terre. Il vous interdira cette alimentation jusqu'à votre prochaine visite.
— « Je verrai bien. »
« Cette dame, conclut notre ami, alla chez M. Antoine, elle revint guérie !... de l'Antoinisme. Le coup de la pâtisserie avait tué sa confiance dans le voyant.
« Mais dans le monde ouvrier, combien de femmes ne mangent-elles pas avec plaisir les frites succulentes ? Combien n'ont pas un faible pour les tartes, les petits pâtés et les friandises de toute espèce ?
« En dénonçant ces inclinations gourmandes, M. Antoine était presque sûr de deviner juste. »Mais qu'importait au Père Antoine la défection de vagues humanités : l'essentiel était que la foi en lui se propageât, que sa clientèle s'élargît, et elle s'élargissait.
*
* *Liqueur, eau, papier, matières ! c'était bon pour les cures à distance, c'était de l'Antoinisme d'exportation.
Mais combien plus favorisés ceux qui pouvaient faire le voyage à Jemeppe, bénéficier sans intermédiaires des magiques impondérables qu'octroyait le Père Antoine par la voie des passes individuelles.
On accourait de toutes les provinces et même de l'étranger, et il fallut recourir à la simple imposition des mains.
Pour satisfaire la clientèle toujours plus nombreuse, les passes se firent de plus en plus rapides : de minutieux chronométreurs ont affirmé, et nous devons les croire, que le Père Antoine en vint à faire du soixante à l'heure.
Le procédé de guérison, ou plutôt son mécanisme, était à la portée de toutes les intelligences, c'était simple et pourtant d'un scientifisme incontestable.
Vous savez tous que nos maux physiques résultent du rassemblement tumultueux et agissant des mauvais microbes en un point de notre organisme ; la cure consiste à stimuler les bons microbes, à les armer pour la lutte, et à les lancer en charge impétueuse et irrésistible contre le nocif rassemblement qu'il faut disperser.
Les bons microbes sont les gendarmes de notre santé.
Les mauvais en sont les saboteurs.
Remplacez les microbes par les fluides, et vous avez là, dans son intégrité, le secret de la thérapeutique antoiniste, tout diagnostic étant inutile.
« Dans son intégrité », non, j'exagère, car pour la première fois, nous allons voir intervenir, comme un facteur essentiel, la Foi.
On n'arrive pas sans transition à fonder un culte.
Voici donc le procédé, exposé par le thaumaturge lui-même qui semble préoccupé de faire des disciples et d'assurer sa succession :« Tout guérisseur quelque peu expérimenté sent la foi du malade et peut lui dire : « Vous êtes guéri. » Il coupe littéralement le fluide qui le terrassait, c'est-à-dire son imagination ; il ne va pas directement au mal, mais à la cause. »
C'est un traitement facile à suivre, même en voyage ; seulement, il y faut le Guérisseur expérimenté, c'est-à-dire formé à l'école du Père Antoine.
On voit que la nouvelle doctrine, qui devait aboutir à la cure des âmes, commençait à s'ébaucher ; même, elle se codifiait, car les visiteurs emportaient maintenant une petite brochure destinée à la propagande.
La presse s'est emparée du cas du Père Antoine : on le discute, donc il est.
A partir du jour où il a découvert que l'imagination est la cause de tous nos maux physiques, le Père Antoine se doit à lui-même d'édicter une nouvelle morale : il n'y manquera pas.
Déjà, pour lui permettre d'opérer en public ses passes collectives, un véritable temple s'est érigé : l'enseignement suivra.
Mais avant d'aborder la phase qu'on pourrait qualifier de religieuse de la vie du Père Antoine, il me faut donner un aperçu du cérémonial de Jemeppe.
Le même confrère belge déjà cité en a tracé ce tableau à la date d'août 1911 :Voici le spectacle auquel on peut assister gratuitement à Jemeppe, tous les dimanches, depuis deux ou trois ans.
Une tribune se dresse au fond du temple. Elle communique avec les appartements privés du voyant. Les fidèles et les curieux se placent dans les bancs, en face de cette tribune.
Un monsieur se lève :
« Notre bon Père va venir. Avant d'opérer, il se recueille dans la prière. Respectez ce moment solennel. Ranimez votre foi, car tous ceux qui ont de la foi seront guéris ou soulagés. »
La porte s'ouvre. M. Antoine s'avance. Il est bien vieux ; il a laissé pousser ses cheveux et s'est composé une tête hiératique. La scène est admirablement machinée. Alors le prophète, que transfigure un air inspiré, se place au milieu de la tribune. Son regard est perdu dans l'au-delà. Il élève majestueusement les mains, étend les bras, remue les doigts pour laisser écouler sur son peuple tout le fluide qu'il a emmagasiné par la prière, répand ses fluides à l'Orient et à l'Occident. Il ferme ses yeux, se retourne et rentre lentement, sans avoir proféré une parole.
Le même monsieur se lève de nouveau.
« L'opération est terminée. Les personnes qui ont la foi sont guéries ou soulagées. »
On renvoie toutes ces personnes et l'on introduit d'autres spectateurs qui verront la même comédie. Généralement, ce sont les mêmes gens qui sont guéris et soulagés chaque dimanche.
... On ne peut nier que la simplicité soit au fond de l'Antoinisme, et on peut entendre le mot ad libitum.Mais de quelle foi s'agit-il ? Quelles sont les croyances qui sont à la base du culte Antoiniste désormais instauré ?
C'est ce que nous allons essayer de dire, après quelques réflexions nécessaires sur le rôle du Guérisseur.
Cette courte digression nous permettra de passer du plaisant au sévère.
On est tenté de rire, et on rit des foules qui accourent de loin verser leur obole dans l'escarcelle du guérisseur.
Ces naïfs ne nous apparaissent guère plus intéressants a priori que les éternelles dupes des mirages financiers : on prononce le mot gogo, on hausse les épaules et on passe.
Il faut pourtant établir une distinction entre le banquier véreux qui ne prend que le porte-monnaie par ses promesses fallacieuses, alors que le Guérisseur prend la vie.
Les tribunaux anglais ont eu à s'occuper il y a quelques années des méfaits d'une secte à laquelle il semble bien que le Père Antoine ait fait quelques emprunts.
Cette secte s'intitulait Science chrétienne.
Ses adeptes se refusaient à prendre et à donner les soins que comporte chaque maladie. Leurs enfants étaient-ils malades ? ils mandaient un des chefs du nouveau culte, lequel persuadait au malade, comme le Père Antoine, que la souffrance est une illusion. Les tribunaux ont relevé des cas d'homicide par omission et ont énergiquement flétri les agissements de ceux qui, sous prétexte de guérir plus sûrement, éloignaient les médecins du chevet des malades.
Encore ne s'agissait-il là que d'illuminés, et non d'un commerce lucratif et néfaste comme celui d'Antoine.
Combien sont morts prématurément pour avoir cru que le remuement de doigts du Guérisseur aurait plus d'efficacité que toutes les médications et tous les soins ?
Pour un Antoiniste, le seul fait de consulter un médecin ne constituait-il pas un outrage à la foi nouvelle ?
C'est ainsi qu'un malade de Condros s'en retournait un jour avec la promesse d'une prompte guérison.
A quelques pas du temple de Jemeppe, il tombait mort.
Les Antoinistes ne s'effarèrent pas pour si peu : ils rapportèrent le cadavre à leur bon Père pour qu'il le ressuscitât.
Maladroitement, le Guérisseur multiplia les passes magnétiques comme s'il en ignorait l'inefficacité.
Il n'y avait plus qu'à procéder à l'enterrement.
On assure que ces pratiques déterminèrent à plusieurs reprises la municipalité de Jemeppe à refuser des permis d'inhumer.
S'il est permis de rire du culte Antoiniste, on voit que ses prétentions aux cures miraculeuses méritent de retenir un moment l'attention. Ce n'est pas une de ces manifestations bouffonnes dont l'indifférence à la mode fait dire si aisément : « Si ça ne fait pas de bien, ça ne fait pas de mal. » L'Antoinisme guérisseur a pu et dû faire déjà beaucoup de mal.
Cette criminelle mise à l'écart du médecin n'est pas une simple déduction plus ou moins arbitrairement tirée par nous des textes ; elle est explicitement formulée dans la Révélation par Antoine le Guérisseur.
Un de ses disciples interroge le Maître :— Quelqu'un qui avait eu la pensée de consulter un médecin vient chez vous se disant : « Si je ne vais pas mieux après cette visite, j'irai chez tel médecin. » Vous constatez ses intentions et vous lui conseillez de suivre sa pensée. Pourquoi agissez-vous ainsi ? J'ai vu des malades qui, après avoir exécuté ce conseil, ont dû revenir chez vous.
Antoine. — Certains malades, en effet, peuvent avoir eu la pensée d'aller chez le médecin avant de me consulter. Si je sens qu'ils ont plus de confiance dans le médecin, il est de mon devoir de les y envoyer. S'ils n'y trouvent pas la guérison, c'est que leur pensée de venir chez moi a mis obstacle dans le travail du médecin, comme celle d'aller chez le médecin a pu porter obstacle dans le mien. D'autres malades me demandent encore si tel remède ne pourrait les aider. Cette pensée falsifie en un clin d'œil toute mon opération : elle est la preuve qu'ils n'ont pas la foi suffisante, la certitude que, sans médicaments, je peux leur donner ce qu'ils réclament... Le médecin ne peut donner que le résultat de ses études, et elles ont pour base la matière. La cause reste donc, et le mal reparaîtra, parce que tout ce qui est matière ne pourrait guérir que temporairement.D'autres passages de la Révélation ne sont pas moins précis :
« C'est par la foi au guérisseur que le malade trouve sa guérison. Le docteur peut croire à l'efficacité des drogues, alors que celles-ci ne servent à rien pour celui qui a la foi. »
« La Foi est l'unique et universel remède, elle pénètre celui que l'on veut protéger, fût-il éloigné de milliers de lieues. »Qui pourrait prétendre que la propagation de telles billevesées ne peut constituer un véritable danger public ?
Aussi suis-je grandement surpris de l'inaction et de l'apparente indifférence des syndicats de médecins et de pharmaciens, à l'ordinaire si jaloux de leurs prérogatives.
Si leurs intérêts ne sont pas encore sérieusement lésés, est-ce que l'intérêt public ne commanderait pas une intervention, avant que le mal ait pris de l'extension ?
Seraient seules à les blâmer les feuilles prêtrophobes qui ont eu l'audace de comparer les cures de Jemeppe aux miraculeuses guérisons, si sévèrement contrôlées, obtenues à Lourdes.
Je ne me pardonnerais pas d'insister sur ce grossier et grotesque parallèle.*
* *Je voudrais bien rester clair en faisant à la morale et au culte Antoinistes l'honneur immérité d'un examen, mais je sens combien la tâche est âpre.
En se découvrant prophète et en devenant hérésiarque, le Père Antoine n'a pas pénétré les secrets de la didactique.
Le bon illettré roublard parle un langage assez inintelligible pour défier la glose, et ce pourrait bien être l'explication du succès relatif de ce que ses disciples appellent pompeusement et comiquement son enseignement.
Le fond n'est pas moins obscur.
Bribes des saintes Ecritures, déchets de doctrines spirites, résidus de la Réforme s'y trouvent mêlés aux plus folles élucubrations d'un cerveau indigent.
Essayez d'analyser, et vous aboutissez aux constatations les plus extravagantes et les plus contradictoires.
Aussi faut-il se borner à citer en souhaitant bonne chance à la perspicacité du lecteur.
En fondant une religion — si ce n'est pas une offense au bon sens qu'appliquer tel mot à telle chose — le Père Antoine a cru devoir rédiger une sorte de décalogue.
Transcrivons-le, dans l'espoir que ces fondements vous aideront à comprendre la superstructure :Dix fragments en prose de l'enseignement révélé par Antoine le Guérisseur.
Dieu parle :
Premier principe
Si vous m'aimez,
Vous ne l'enseignerez à personne,
Puisque vous savez que je ne réside
Qu'au sein de l'homme.
Vous ne pouvez témoigner qu'il existe
Une suprême bonté
Alors que du prochain vous m'isolez.Ce qu'il y a de plus remarquable jusqu'à présent, c'est la précaution qu'on a prise de nous informer que ces fragments étaient en prose. On aurait pu s'y tromper, et nos cubistes et futuristes y eussent certainement découvert des vers blancs. L'enseignement du Père Antoine dédaigne ce vague et puéril souci de la rime qui distinguait les oracles de Mlle Couédon. Mais continuons :
Deuxième principe
Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi,
Dont l'intention serait de vous convertir.
Si vous respectez toute croyance
et celui qui n'en a pas,
Vous savez, malgré votre ignorance,
Plus qu'il ne pourrait vous dire.
Troisième principe
Vous ne pouvez faire de la morale à personne,
Ce serait prouver
Que vous ne faites pas bien,
Parce qu'elle ne s'enseigne pas par la parole
Mais par l'exemple,
Et ne voir le mal en rien.
Quatrième principe
Ne dites jamais que vous faites la charité
A quelqu'un qui vous semble dans la misère,
Ce serait faire entendre
Que je suis sans égards, que je ne suis pas bon,
Que je suis un mauvais père,
Un avare,
Laissant avoir faim son rejeton.
Si vous agissez envers votre semblable
Comme un véritable frère,
Vous ne faites la charité qu'à vous-même,
· Vous devez le savoir.
Puisque rien n'est bien s'il n'est solidaire,
Vous n'avez fait envers lui
que remplir votre devoir.
Cinquième principe
Tâchez toujours d'aimer celui que vous dites
« Votre ennemi » :
C'est pour vous apprendre à vous connaître
Que je le place sur votre chemin.
Mais voyez le mal plutôt en vous qu'en lui :
Il en sera le remède souverain.
Sixième principe
Quand vous voudrez connaître la cause
De vos souffrances,
Que vous endurez toujours avec raison,
Vous la trouverez dans l'incompatibilité de
l'intelligence avec la conscience,
qui établit entre elles les termes de comparaison.
Vous ne pouvez ressentir la moindre souffrance
qu'elle ne soit pour vous faire remarquer
que l'intelligence est opposée à la conscience ;
C'est ce qu'il ne faut pas ignorer.
Septième principe
Tâchez de vous en pénétrer,
Car la moindre souffrance est due à votre
Intelligence qui veut toujours plus posséder ;
Elle se fait un piédestal de la clémence,
Voulant que tout lui soit subordonné.
Huitième principeNe vous laissez pas maîtriser par votre intelligence
Qui ne cherche qu'à s'élever toujours
De plus en plus ;
Elle foule aux pieds la conscience,
Soutenant que c'est la matière qui donne
Les vertus.
Tandis qu'elle ne renferme que la misère
Des âmes que vous dites
« abandonnées »,
Qui ont agi seulement pour satisfaire
Leur intelligence qui les a égarées.
Neuvième principe
Tout ce qui vous est utile, pour le présent
Comme pour l'avenir,
Si vous ne doutez en rien,
Vous sera donné par surcroît.
Cultivez-vous, vous vous rappellerez le passé,
Vous aurez le souvenir
Qu'il vous a été dit : « Frappez, je vous ouvrirai.
Je suis dans le connais-toi... »
Dixième principe
Ne pensez pas faire toujours un bien,
Lorsqu'à un frère vous portez assistance ;
Vous pourriez faire le contraire,
Entraver son progrès.
Sachez qu'une grande épreuve
En sera votre récompense,
Si vous l'humiliez et lui imposez le respect.
Quand vous voulez agir,
Ne vous appuyez jamais sur votre croyance
Parce qu'elle peut encore vous égarer ;
Basez-vous toujours sur la conscience
Qui veut, vous diriger, elle ne peut vous tromper.J'ai laissé parler, sans l'interrompre, le dieu de M. Antoine qui pourrait bien n'être que M. Antoine lui-même, et qui aurait bien dû prendre un interprète. Je ne sais l'effet que ferait la musique sur ces strophes, mais telles qu'elles sont, elles ne paraissent complètement intelligibles que pour leur auteur, encore ne suis-je pas bien sûr que si on en avait demandé le commentaire au thaumaturge, il n'eût pas simplement énoncé la formule qu'il répétait à tout propos et hors de propos, mais toujours quand une indiscrète question l'embarrassait :
— « Vous ne voyez que l'effet, cherchez la cause. »
J'ai déjà constaté que cet être inculte qu'était le Père Antoine avait une indéniable qualité : la connaissance de son temps.
Devant l'admiration des snobs pour l'art et la littérature incompréhensibles, il s'est dit qu'on pouvait réaliser ce prodige d'éblouir par l'obscurité, et qu'il y aurait tout un public pour découvrir dans son galimatias de brillantes paraboles.
Assemblez les incohérences éructées par un perroquet après un assez long commerce avec les humains, et vous obtiendrez quelque chose d'analogue aux principes de l'Antoinisme.
Ah ! comme on comprend que l'Antoinisme fasse profession de mépriser l'intelligence !
Il n'a pas de pire ennemie.*
* *Mais qu'est-ce donc que ce dieu qui s'entretient ainsi — toujours en wallon — avec M. Antoine ?
Ce dieu ne doit pas seulement formuler des principes : il se doit à lui-même, il nous doit d'édicter des lois.
Il n'y a pas manqué, et nous allons être édifiés par une petite brochure qui porte ce titre simple et clair comme les révélations elles-mêmes : L'auréole de la conscience.
L'auréole de la conscience !... On donne des bureaux de tabac, voire les palmes académiques, à des gens qui n'ont pas trouvé cela.
La couverture de L'Auréole — si je puis m'exprimer ainsi — porte une épigraphe qui pourrait être une synthèse.
Essayons de nous limiter :« Un seul remède peut guérir l'humanité : la Foi ; c'est de la foi que naît l'amour : l'amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même ; ne pas aimer ses ennemis, c'est ne pas aimer Dieu ; car c'est l'amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir ; c'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité. »
Soit ; voilà une règle de conduite assez précise et qui comporte quelque abnégation : aimer ses ennemis.
Mais quel va être le statut de ceux qui ne se connaissent pas d'ennemis parce qu'ils n'ont jamais fait que le bien ou vivent dans l'isolement ? Ils ne pourront connaître le dieu de M. Antoine, ni l'aimer, ni le servir ?
Une vague définition du devoir envers ses ennemis ne saurait constituer un corps de doctrines.
Mais laissons Maître Antoine nous apprendre ce que sont les lois divines, tout en nous démontrant qu'il n'y a pas de lois divines :Antoine. — Je vais vous dire comment nous devons comprendre les lois divines et de quelle façon elles peuvent agir sur nous. Vous savez qu'il est reconnu que la vie est partout ; si le vide existait, le néant aurait aussi sa raison d'être.
Une chose que je puis encore affirmer, c'est que l'amour existe aussi partout, et de même qu'il y a amour, il y a intelligence et conscience. Amour, intelligence et conscience réunis constituent une unité, le grand mystère, Dieu.
Pour vous faire comprendre ce que sont les lois, je dois revenir à ce que je vous ai déjà répété concernant les fluides ; il en existe autant que de pensées ; nous avons la faculté de les manier et d'en établir des lois, par la pensée, suivant notre désir d'agir. Celles que nous imposons à nos semblables nous imposent de même. Telles sont les lois d'intérieur, appelées ordinaire ment lois de Dieu.
Quant aux lois d'extérieur, dites lois de la nature, elles sont l'instinct de la vie qui se manifeste dans la matière, se revêt de toutes les nuances, prend des formes nombreuses, incalculables, suivant la nature du germe des fluides ambiants.
Il en est ainsi de toutes choses, toutes ont leur instinct, les astres même qui planent dans l'espace infini, se dirigent par le contact des fluides et décrivent instinctivement leur orbite.
Si Dieu avait établi des lois pour aller à lui, elles seraient une entrave à notre libre arbitre ; fussent-elles relatives ou absolues, elles seraient obligatoires puisque nous ne pourrions nous en dispenser pour atteindre au but. Mais Dieu laisse à chacun la faculté d'établir ses lois, suivant la nécessité, c'est encore une preuve de son amour.
Toute loi ne doit avoir que la conscience pour base. Ne disons donc pas « lois de Dieu », mais plutôt lois de la conscience.
Cette révélation ressort des principes mêmes de l'amour, de cet amour qui déborde de toutes parts, qui se retrouve au centre des astres comme au fond des océans, de cet amour dont le parfum se manifeste partout, qui alimente tous les règnes de la nature et qui maintient l'équilibre et l'harmonie dans tout l'univers.D. — Maître, voulez-vous nous dire d'où vient la vie ?
Antoine. — La vie est éternelle, elle est partout. Les fluides existent aussi à l'infini et de toute éternité.
Nous baignons dans la vie et dans les fluides comme le poisson dans l'eau.
Les fluides s'enchaînent et sont de plus en plus éthérés ; ils se distinguent par l'amour ; partout où celui-ci existe il y a de la vie, car sans la vie l'amour n'a plus sa raison d'être.
Il suffit que deux fluides soient en contact par un certain degré de chaleur solaire, pour que leurs deux germes de vie se disposent à entrer en rapport.
C'est ainsi que la vie se crée une individualité et devient agissante.Je crois que ce serait se moquer du lecteur que de multiplier ou d'allonger ces citations : je n'en donne que le nécessaire pour qu'on puisse juger en connaissance de cause et sans appel l'entreprise qui a mobilisé des foules.
Il est des auteurs qui donnent l'impression d'avoir collectionné dans un lexique tous les vocables désuets ou peu usités pour en émailler leurs chroniques et « épater le bourgeois » par la richesse de leur vocabulaire : à lire le Père Antoine, il semble parfois qu'il ait vidé dans un chapeau les mots du dictionnaire, pour les cueillir ensuite au petit bonheur et les aligner en phrases.
« L'instinct de la vie qui prend des formes incalculables suivant la nature du germe des fluides ambiants » semble bien dû à telles rencontres hasardeuses, et l'on devine l'ébahissement admiratif des gogos à la lecture de ces vaticinations sibyllines.
Aussi bien, de son propre aveu, Antoine ne se comprend pas toujours lui-même, témoin cette déclaration :« Mes frères, aujourd'hui l'atmosphère n'est pas pure : recueillons-nous afin d'atteindre à des fluides plus éthérés qui faciliteront à tous la compréhension de la pensée.
« Nous rencontrons souvent des personnes qui demandent à être éclairées sur la question des fluides et nous leur tenons toujours le même raisonnement, que nous répétons sur la foi d'un autre, peut-être sans le comprendre nous-même ».Mais si Antoine se présente comme le truchement, une sorte de phonographe du dieu qu'il a imaginé, comment le considèrent ses plus zélés disciples, ceux qui doivent hériter de sa puissance et de son fructueux commerce ?
Ils vont nous l'apprendre, en un langage un peu moins obscur que celui de leur Maître :« Faire de M. Antoine un grand seigneur, ne serait-ce pas plutôt le rabaisser ? Vous admettrez, je suppose, que nous, ses adeptes, qui sommes au courant de son travail, ayons à son égard de tout autres pensées. Vous interprétez trop intellectuellement, c'est-à-dire trop matériellement, notre manière de voir, et, jugeant ainsi sans connaissance de cause, vous ne pouvez comprendre le sentiment qui nous anime. Mais quiconque a foi en notre bon Père apprécie ce qu'Il est à sa juste valeur parce qu'il l'envisage moralement. Nous pouvons lui demander tout ce que nous voulons. Il nous le donne avec désintéressement. Néanmoins, il nous est loisible d'agir à notre guise, sans aucunement recourir à Lui, car Il a le plus grand respect du libre arbitre ; jamais Il ne nous impose quoi que ce soit. Si nous tenons à Lui demander conseil, c'est parce que nous sommes convaincus qu'Il sait tout ce dont nous avons besoin, et que nous nous l'ignorons. Ne serait-il pas infiniment préférable de se rendre compte de son pouvoir, avant de vouloir discréditer notre manière d'agir à son égard.
« Comme un bon père, Il veille sur nous. Lorsque affaiblis par la maladie, nous allons à Lui, pleins de confiance, Il nous soulage, nous guérit. Sommes-nous anéantis sous le coup des plus terribles peines morales, Il nous relève et ramène l'espoir dans nos cœurs endoloris. La perte d'un être cher laisse-t-elle dans nos âmes un vide immense, son amour le remplit et nous rappelle au devoir. Il possède le baume par excellence, l'amour vrai qui aplanit toute difficulté, qui surmonte tout obstacle, qui guérit toute plaie, et Il le prodigue à toute l'humanité, car Il est plutôt médecin de l'âme que du corps. Non, nous ne voulons pas faire d'Antoine le Guérisseur un grand seigneur, nous faisons de Lui, notre sauveur. Il est plutôt notre Dieu, parce qu'il ne veut être que notre serviteur. »Si la pensée reste là enveloppée dans les nuées, au moins l'expression est d'une clarté relative : les disciples ont foi dans le Maître qui n'est pas Dieu, mais qui est leur dieu, leur sauveur, parce qu'il est leur serviteur. C'est tout le secret de leur vénération, pour ne pas dire de leur adoration.
Profitons de cette vague lueur pour nous éclairer sur l'enseignement d'Antoine, ses propres révélations étant restées inaccessibles à notre intellect de profane :« Aussi longtemps que nous ignorerons la loi morale par laquelle nous devons nous diriger, nous la transgresserons.
« L'enseignement d'Antoine le Guérisseur raisonne cette loi morale, inspiratrice de tous les cœurs dévoués à régénérer l'Humanité ; il n'intéresse pas seulement ceux qui ont foi en Dieu, mais tous les hommes indistinctement, croyants et non-croyants, à quelqu'échelon que l'on appartienne. Ne croyez pas qu'Antoine le Guérisseur demande l'établissement d'une religion qui restreigne ses adeptes dans un cercle, les obligeant à pratiquer sa doctrine, à observer certain rite, à suivre une opinion quelconque, à quitter leur religion pour venir à lui. Non, il n'en est pas ainsi : nous instruisons ceux qui s'adressent à nous de ce que nous avons compris de l'enseignement du Guérisseur et les exhortons à la pratique sincère de leur religion, afin qu'ils puissent acquérir les éléments moraux en rapport avec leur compréhension. Nous savons que la croyance ne peut être basée que sur l'amour ; mais nous devons toujours nous efforcer d'aimer et non de nous faire aimer, car ceci est la plus grand des fléaux. Quand on sera pénétré de l'enseignement d'Antoine le Guérisseur, il n'y aura plus de dissension entre les religions parce qu'il n'y aura plus d'indifférence, nous nous aimerons tous parce que nous aurons enfin compris la loi du progrès, nous aurons les mêmes égards pour toutes les religions et même pour l'incroyance, persuadés que nul ne peut nous faire aucun mal et que, si nous voulons convertir nos semblables, nous devons leur démontrer que nous sommes dans la vraie religion en respectant la leur et en leur voulant du bien. Nous serons alors convaincus que l'amour naît de la foi qui est la vérité ; mais nous ne la posséderons que quand nous ne prétendrons pas l'avoir. »Ce qu'on peut déduire de tout cela avec quelque certitude, c'est que le Père Antoine ne comprend pas toujours les révélations qui lui sont faites ; ses disciples à leur tour — et il serait contraire à toute hiérarchie qu'il en fût autrement — ne comprennent que partiellement les enseignements du Maître, et ils ne distribuent ces enseignements que dans la mesure restreinte où chacun peut les comprendre.
On devine aisément ce qui peut rester de cette peau de chagrin, et on pardonne au commentateur d'être réduit à la portion congrue.
Quel orgueil chez celui qui prétendrait pénétrer ces arcanes !*
* *Un journaliste a eu cette folle présomption, car cette engeance a toutes les audaces : c'est M. Kervyn, dont j'ai déjà parlé.
Il a dégagé quelques notions, d'ailleurs contradictoires, du fatras Antoiniste.
Tantôt Dieu est une personne, tantôt il se confond avec l'univers et avec l'homme. Il n'est pas Créateur, puisque tout ce qui existe a toujours existé. Il ne faut pas croire en Dieu, il ne faut rien espérer de lui, nous sommes Dieu nous-mêmes.
Ravalé au-dessous du démon, ce Dieu est néanmoins représenté comme le modèle de la perfection !
Le démon, c'est le mauvais génie, cause des maladies, des accidents, des grands fléaux qui accablent l'humanité. Néanmoins, comme l'intelligence et l'incarnation spirite sont les plus grands maux, le démon se trouve être l'intelligence suprême en qui nous sommes incarnés.« Par notre progrès, nous retrouverons dans le démon le vrai Dieu, et dans l'intelligence la lucidité de la conscience. »
Quant à la morale, elle est excessivement souple : bien et mal ne sont que des termes de comparaison ; ni l'un ni l'autre n'existent réellement.
« Vous êtes libres, agissez comme bon vous semble, celui qui fait bien trouvera bien. En effet, nous jouissons à un tel point de notre libre arbitre que Dieu nous laisse faire de lui ce que nous voulons. »
Et l'âme ? Avons-nous une âme ? Qu'est-elle ? Que devient-elle ?
Oui, nous avons une âme, puisque « l'âme imparfaite reste incarnée, jusqu'à ce qu'elle ait surmonté son imperfection. »
Quant à sa définition, motus !« Avant de quitter le corps qui se meurt, l'âme s'en est préparé un autre pour se réincarner... Nos êtres chéris soi-disant disparus ne le sont qu'en apparence, nous ne cessons pas un instant de les voir et de nous entretenir avec eux. La vie corporelle n'est qu'une illusion. »
Il n'y a de réel que les fluides, et pour distinguer les bons des mauvais, il n'y a guère que M. Antoine qui ait le flair d'artilleur.
« Je sens à présent, confia-t-il, un jour à son auditoire, que le fluide qui régnait au premier abord a disparu insensiblement et a fait place à un nouveau, qui est aussi à même de nous unir que l'autre aurait pu nous diviser. »
Citons encore, pour terminer, quelques aphorismes philosophiques, s'il est permis de donner ce nom à ces incohérences :
« Les connaissances ne sont pas du savoir ; elles ne raisonnent que la matière. »
« Un atome de matière nous est une souffrance. »
« Nous disons que la matière n'existe pas parce que nous en avons sur monté l'imagination. »
« Toutes choses ont leur instinct, les astres même qui planent dans l'espace infini se dirigent par le contact des fluides et décrivent instinctivement leurs orbites. »
« L'intelligence, considérée par l'humanité comme la faculté la plus enviable à tous les points de vue, n'est que le siège de notre imperfection. »
« Nulle autre que l'individualité d'Adam a créé ce monde. Adam a été porté à se constituer une atmosphère et à construire son habitation, le globe, tel qu'il voulait l'avoir. »
« Je ne puis dire avec les Ecritures qu'Adam a été le premier homme ; il en existait déjà d'autres à cette époque. »
« Si la matière existe, Dieu ne peut exister. »
« Je vous ai révélé qu'il y a en nous deux individualités, le moi conscient et le moi intelligent ; l'une réelle, l'autre apparente. »
« L'intelligence n'est autre que le faisceau de molécules que nous appelons cerveau. »
« A mesure que nous progressons, nous démolissons du moi intelligent pour reconstruire sur du moi conscient...
« Nous devons savoir que l'animal n'existe qu'en apparence ; il n'est que l'excrément de notre imperfection. »
« Combien nous sommes dans l'erreur en nous attachant à l'animal ; c'est un grand péché (c'est même le seul qu'indique Antoine), parce que l'animal n'est pas digne d'avoir sa demeure où résident les humains. »Tout cela est beaucoup trop absurde pour qu'on ait la tentation de crier au blasphème. On inclinerait plutôt à la pitié ; si l'on ne devait se souvenir que ces incohérences et ces hallucinations n'excluaient pas ce qu'on appelle l'esprit pratique, si elles ne s'étaient accommodées d'un sens commercial très aiguisé.
Antoine apparaît comme un homme qui, à ses heures de lucidité, aurait appliqué toutes ses facultés au monnayage du produit de ses heures d'extravagance ou de rêves insensés.
Une question se pose encore : l'Antoinisme devait-il disparaître avec Antoine ? Le malin a pensé à sa succession, et il se fait poser la question suivante :« Maître, que deviendront vos adeptes quand l'Humanité vous aura perdu ? »
Et Antoine de répondre :
« La mort, c'est la vie, elle ne peut m'éloigner de vous, elle ne m'empêchera pas d'approcher tous ceux qui ont confiance en moi, au contraire. »
Et voilà ce qui, depuis sa mort, permet à sa veuve et à quelques disciples de choix de continuer son commerce.
*
* *Quelques-uns jugeront peut-être que nous avons attaché trop d'importance à l'œuvre de ce charlatan : ils ne seront plus de cet avis s'ils veulent bien considérer, comme nous l'avons fait au début, les progrès de cette épidémie sur les cerveaux.
D'autres nous reprocheront d'avoir traité légèrement le sujet ; mais si l'on peut parler sans solennité de choses sérieuses, il est bien permis de parler sans gravité de l'Antoinisme.
En quête d'un culte pour concurrencer celui de 38 millions de Français, qui sait si le régime ne jettera pas demain son dévolu sur l'Antoinisme : est-ce bien plus idiot que l'athéisme ?ALBERT MONNIOT.
Revue internationale des Sociétés secrètes
Organe de la LIGUE FRANC-CATHOLIQUE contre les Sociétés Secrètes Maçonniques ou 0ccultistes et leurs filiales – Partie Judéo-occultiste, paraissant le 5 de chaque mois – TROISIÈME ANNÉE – N° 3 – 5 MARS 1914 (pp.454-475)Source : http://iapsop.com/
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A Sunday Morning- muster of the faithful at Jemeppe, Belgium
de l'article Belgium's Christian Scientists, San Antonio Express, October 13, 1912
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MÉDITATION
Il est une imperfection des plus regrettables contre laquelle l'humain ne luttera jamais assez. C'est celle de considérer son prochain sous un jour qui ne lui est pas souvent favorable.
Entendez les conversations autour de vous, n'est-ce pas triste de constater tout le mal qui se dit et se propage ?
On juge autrui à tort et à travers. On voit le mal en tout, presque jamais le bien. On est méchant !
Fraternistes, ayez toujours la Bonté en vous, celle du cœur, de l'esprit du Bien. Ne dites jamais de mal de personne. Votre langage, c'est l’Amour, qu'il soit votre Maître !
H. LORMIER.
Le Fraterniste, 15 septembre 1930
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Par les Statuts du culte, on sait que Frère Noël David et sa femme Sœur Mélanie Mélin, avec Frère Gilles Lefebvre, sont à l'origine du temple de Bierset. Ils ont construit le Temple sur une partie de leur terrain et en était donc voisins.
On apprend la désincarnation de Frère Noël David et de Sœur Mélanie Mélin par la presse belge :
La Wallonie, 29 novembre 1932 (source : Belgicapress)
La Wallonie, 28 septembre 1934 (source : Belgicapress)
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– MORT DE FROID DANS LA RUE. Un froid très vif règne dans le Nord de la France depuis quelques jours. A Caudry, petite ville des environs de Cambrai, le grand-prêtre de la secte Antoiniste, M. Gaston Michies, 54 ans, s'en revenait du temple où il avait officié quand, pris de congestion, il tomba inanimé sur la chaussée. Des passants se portèrent à son secours mais M. Michies avait déjà expiré. P.B. (E.)
Le Soir, 4 mars 1932 (source : Belgicapress)
Article repris dans la Nation belge le même jour :
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Les trois premiers prix de la première catégorie ont été remportés par MM. Brouhon, Denis Dor et Fernand Delcroix, de Seraing.
La Meuse, 12 juin 1894 (source : Belgicapress)
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Ougrée. - Cercle littéraire et scientifique. - Séance aujourd'hui mercredi à 8 1/2 heures précises du soir. Causerie par Fernand Delcroix, professeur. Sujet : « La science consolatrice. »
La Meuse, 24 avril 1895 (source : Belgicapress)
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Auteur : Anne-Cécile Bégot
Titre : La construction sociale de l'efficacité thérapeutique au sein de groupes religieux (Science Chrétienne et Antoinisme)
Édition ethnographiques.org, Numéro 15 - février 2008
Les nouveaux mouvements religieux [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2008/Begot - consulté le 20.01.2022)
Résumé
Dans le cadre d’un travail doctoral, mené dans les années 1990, on a réalisé une étude auprès de deux groupes religieux minoritaires, la Science Chrétienne et l’Antoinisme.
Née à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, sous l’impulsion de Mary Baker Eddy, une femme d’origine protestante, la Science Chrétienne a avant tout touché les catégories sociales moyenne et supérieure. L’Antoinisme porte le nom de son fondateur, Louis Antoine, un ancien mineur d’origine catholique dont le mouvement voit le jour au début du XXe siècle, en Belgique, et touchera une population essentiellement ouvrière. Ces deux groupes se sont implantés, en France, au début du XXe siècle.
Leur particularité est d’avoir accordé une place centrale à la guérison. Dans le cadre de cet article, on s’est donc intéressé à la construction sociale de l’efficacité thérapeutique au sein de la Science Chrétienne et de l’Antoinisme.
Il ne s’agit pas d’appréhender la maladie et la guérison d’un point de vue biomédical mais de considérer celle-ci comme une forme de déviance, et celle-là comme la résultante d’un processus de normalisation. Pour cela, on s’est intéressé aux croyances et pratiques considérées comme thérapeutiques au sein de ces groupes et au ressort de leur efficacité.
Il s’avère que la guérison est avant tout un processus conduisant à se conformer à un certains nombre de normes et de valeurs, spécifiques à chacun des groupes. Le rôle joué par l’organisation religieuse dans le processus thérapeutique tient essentiellement à exercer un contrôle sur les croyances et pratiques des adeptes.
Une analyse comparative permet alors de noter de substantielles nuances entre les groupes, et ce tant au niveau des formes organisationnelles que du sens accordé à ces pratiques.Lire un extrait dans ce billet.
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Auteur : Collectif, sous la direction de Bertrand Ouellet et Richard Bergeron (participation de Régis Dericquebourg et Anne-Cécile Bégot)
Titre : Croyances et sociétés - Communications présentées au dixième colloque international sur les nouveaux mouvements religieux (Montréal, août 1996) Coll. « Héritage et projet »
Éditions : Fides, Paris, 1998 - 496 pages
cf. https://books.google.de/books?hl=fr&id=iaGLjL9TmbcC&q
Régis Dericquebourg, que l'on ne présente plus, apporte sa contribution sur le sujet de La controverse sur les sectes en France (p.79).
Pour sa part, Anne-Cécile Bégot présente des groupes centrés sur la guérison spirituelle, dont la spécificité est de véhiculer différents éléments de protestation vis-à-vis de la médecine allopathique et de la gestion de la maladie. La conclusion de l'article revient sur deux aspects :
1. les croyances et pratiques rattachées à la guérison spirituelle véhiculent aujourd'hui des éléments de protestation distincts de ceux repérés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ;
2. l'euphémisation de la protestation tient autant à l'évolution des groupes qu'aux changements intervenus au sein de l'institution médicale.Lire un extrait dans ce billet.
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On a inauguré dimanche, à Fo-
rest, un temple consacré au cul-
te antoiniste. (Les Journaux).Peut-être ne saviez-vous pas,
O Bruxellois toujours sceptiques,
Que les maux qui nous guettent en tas,
Sous les paroles prophétiques
D'un thaumaturge conséquent,
Sont appelés à disparaître,
Et bientôt nous verrons paraître,
Ainsi qu'à l'âge d'or, vraiment,
Une humanité sans seconde,
S'en allant partout à la ronde
Chanter les joies de la vertu.
Le Paradis était perdu
Depuis Milton, mais chance rare,
Le Père Antoine du Tarare,
Dont le règne était arrivé,
Très heureusement a sauvé
Le genre humain, et sur la terre,
Ni la famine, ni la guerre,
Ne viendront nous tarabuster.
N'est-ce pas le cas de chanter
Du grand guérisseur les louanges,
Il est aujourd'hui chez les anges,
Mais s'il est mort, bien mort, hélas !
La mère Antoine est un peu là.Elle guérit de l'eczéma,
De la peste, de la gravelle,
Du typhus et de la tavelle,
De l'angine et du corysa.
Elle a la Foi ; rien ne résiste
A ses ardentes oraisons.
Le furoncle comme le kyste,
La diarrhée, les frissons,
L'hydropisie, la gastrite
L'hydrophobie, la néphrite,
La pituite et le lumbago
S'évanouissent tout de go
Devant son geste, sa parole,
Et si vous avez la pécole,
La gale ou bien le choléra,
Bien sûr qu'elle vous guérira
Sans qu'il vous en coûte une obole.Vous qui pleurez, ayez la foi,
Ayez la foi du Père Antoine.
L'effet est certain, croyez-moi,
Sur la rate et le péritoine.MISTIGRI
Le Messager de Bruxelles, 13 août 1916 (source : Belgicapress)
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COMMERCES
A reprendre & à remettre
Après fortune faiteBon Commerce à remettre, épiceries, chaussures et aunage, à Jemeppe-sur-Meuse, et Restaurant, situé à côté du gr. guérisseur Antoine, recevant 1,500 malades par semaine. Nos 2 et 4.
La Meuse, 12 octobre 1905 (source : Belgicapress)
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Au Pays du Spiritisme - Antoine-le-Guérisseur (Gazette de Charleroi, 20 décembre 1908)(Belgicapress)
Au Pays du Spiritisme
ANTOINE-LE-GUERISSEURC'est à Jemeppe-sur-Meuse que le spirite fameux, et surnommé Antoine-le-Guérisseur habite.
Mérite-t-il le nom qui lui a été donné ? C'est ce dont nous avons tenu à nous rendre compte de visu, et c'est le résultat de notre visite chez lui que nous voulons exposer à nos lecteurs.
Grâce au bienheureux Antoine, le petit village de Jemeppe-sur-Meuse est connu aux quatre coins du pays, et il est devenu de centre d'une nouvelle religion qui déjà a son temple...
Pour me rendre chez le nouveau Messie, je n'avais guère eu besoin de me renseigner beaucoup. Une bonne femme à qui je demandai l'adresse d'Antoine parut surprise de mon ignorance.
– Suivez ces gens, me dit-elle, ils vont sûrement chez lui...
Et je suivis une multitude, dont le passage m'avait frappé et que j'attribuais à la célébration des funérailles d'un notable de la localité. Mais c'était le cortège habituel et journalier des visiteurs d'Antoine-le-Guérisseur.
Sa maison est modeste, mais elle est flanquée d'un vaste bâtiment ayant tout-à-fait l'aspect d'une chapelle. A l'intérieur, tout le rez-de-chaussée est garni de bancs. Une galerie fait le tour du hall, et de chaire de vérité est adossés au fond, face à l'entrée. Les murs sont garnis d'inscriptions en grandes lettres. L'une nous fait savoir immédiatement dans quel lieu nous nous trouvons. Elle porta : Ecole professionnelle de philosophie et de morale, et elle est accompagnés d'autres inscriptions.
J'en citerai quelques-unes : Un seul remède peut guérir l'humanité : La Foi. – C'est de la Foi que naît l'amour : l'amour qui nous montre dans nos ennemis, Dieu lui-même. Ne pas Aimer ses ennemis, c'est ne pas Aimer Dieu. Car c'est l'Amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir. – C'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité.
Ces maximes en valent d'autres, et développer chez son prochain l'amour du semblable n'a rien de méchant. C'est la religion d'Antoine. Donne-t-elle de bons résultats ?
Nous sommes bien une centaine de personnes qui attendons. Quoi ? Mon voisin m'explique. A tour de rôle nous serons reçus par le Guérisseur, et il suffit pour l'approcher de se présenter à un guichet que l'on m'indique, et où un disciple d'Antoine me remet une plaque de plomb, avec un numéro. La mienne porte le numéro 410, et cela veut dire que, ce matin je suis le 410e qui s'est présenté pour voir le Guérisseur... Et je ne suis pas le dernier, à ce que je vois par les nouveaux arrivés qui viennent s'asseoir derrière moi.
La guichetier appelle les visiteurs par le numéro qu'ils portent. On en est au 250e. Il y a du bon, j'ai le temps de bavarder.
Mon aimable voisin m'explique que toutes ces personnes viennent pour elles-mêmes ou pour des parents malades. Lui vient pour sa fillette, qui souffre sans se plaindre. Mélancolie ou neurasthénie, il ne sait, mais on lui a dit qu'Antoine la guérirait, et il est venu.
Une autre personne, une dame d'un certain âge, me dit qu'elle vient de Maubeuge. C'est la troisième visite qu'elle fait à Antoine : sa fille était malade, on la soignait sans arriver à un mieux. Et maintenant ? Elle est en bonne voie de guérison...
Et que prend-elle ? Rien. Antoine prie pour elle, et il suffit qu'elle pense à lui, qu'elle espère...
Sapristi, cela devient sérieux. Qu'est-ce que je vais bien raconter à ce saint homme ? Vais-je me déclarer malade ou journaliste ? Je prends le premier de ces deux partis, car en cherchant bien je n'ai pas difficile à me découvrir un malaise, un bobo, là...
Le guichetier arrive à mon numéro. Je tends mon plomb, une porte s'ouvre et je me trouve en présence d'Antoine-le-Guérisseur. L'impression est bonne. Antoine a une figure de brave homme aux cheveux et à la barbe grisonnants.
– Que désirez-vous, mon ami ? C'est pour vous que vous venez ? Qu'avez-vous ? me demande-t-il.
Et moi de lui répondre, de bonne foi, je souffre de ceci, de cela. A bien chercher, je me suis découvert toute une collection de malaises...
Antoine-le-Guérisseur lève les yeux au Ciel, puis il les abaisse sur moi et il me dit :
– Espérez, je prierai pour vous. Cela ira mieux,
– Mais, objectai-je, et mes drogues ?
– Abandonnez-les, contentez-vous de penser à moi, cela suffira, me répond-il.
– Et combien vous dois-je ? demandai-je pour terminer l'entretien.
– Rien, Monsieur, dit Antoine de sa voix douce.
Comme je n'ai pas suivi le « traitement » d'Antoine, et pour cause, je ne sais quelle peut être son efficacité.
Mais il paraît que certains s'en trouvent bien. On cite des cas de guérison surprenante. Est-ce vrai ? Pourquoi pas, en somme, pour les malheureux qui ont la « foi », la grande, celle qui soulève les montagnes. Le zouave Jacob, dont il fut tant parlé il y a une vingtaine d'années, n'arrivait-il pas à guérir lui aussi...
Et Lourdes, de nos jours ?...
En tout cas, à Jemeppe-sur-Meuse, c'est un pèlerinage incessant. Antoine reçoit tous les jours de 7 heures du matin à midi, sauf le samedi et le dimanche. Ce jour, Antoine-le-Guérisseur monte en chaire pour enseigner le « Nouveau Spiritualisme »...
Mais il se tient à la disposition du public, tous les jours et à toute heure pour les cas urgents !
Ses « offices » sont suivis par une foule considérable, et parmi les visiteurs qui viennent à ses « consultations », on en voit de tous les coins du pays et même de l'étranger. Dame, on ne paye rien, et à ce prix on en redemande...
Le seul bénéfice, et je ne sais si cela peut en constituer un, – il est minime en tous cas – consiste dans la publication d'une revue mensuelle, « L'Auréole de la Conscience », dont l'abonnement annuel coute deux francs. Et encore, les visiteurs ne sont pas sollicités...
Dans cette revue, et sous forme d'entretiens, Antoine-le-Guérisseur préconise la charité, l'amour du prochain, la tolérance pour toutes les opinions, parce que, dit le Messie de Jemeppe : « La liberté et l'égalité sont inséparables de la foi ».
Ce n'est pas si mal et surtout, cela pourrait être médité avec avantage par beaucoup. NEMO.Gazette de Charleroi, 20 décembre 1908 (source : Belgicapress)
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Arthur Haulot, O.M.W. (Ordre du Mérite Wallon, 2012, à titre posthume), né le 15 novembre 1913 à Angleur, et mort le 24 mai 2005, est un résistant, poète et conteur belge.
Né le 15 novembre 1913 à Angleur en Belgique, Arthur Haulot grandit dans un foyer peu riche mais heureux. Il est marqué très jeune par son père ébéniste, militant socialiste. Dans À la recherche de sens : 200 noms de dieux, de Jean Olivier (EdiPro, 2019, de l'émission télévisée "noms de dieux", d’Edmond Blattchen et Jacques Dochamps), on apprend que sa mère est croyante, antoiniste.
À l'âge de 16 ans, Arthur quitte l'école pour travailler à la Fabrique nationale de Herstal puis dans une banque coopérative où le travail de comptable ne le passionne guère. Grâce à Isi Delvigne (orateur socialiste) qui remarque ses qualités littéraires dans le Journal des Petits Faucons rouges, Arthur Haulot est engagé en 1931 au journal La Wallonie où il entame sa carrière de journaliste. Quatre ans plus tard, il devient journaliste reporter à l'Institut national de radiodiffusion jusqu'en 1937, date à laquelle il devient attaché de cabinet du ministère des communications.
En 1938 il est nommé inspecteur à l'Office National des Vacances ouvrières puis il fonde le commissariat général au tourisme avec son ami Henri Janne.
La guerre éclate
En mai 1940, lors de l'invasion allemande, Haulot est contraint d'entrer dans la clandestinité car il est membre du parti socialiste belge. Lors d'une opération clandestine qui se déroule à la fin de l'année 1941, il est arrêté par la Gestapo puis emprisonné à Bruxelles à la prison de Saint-Gilles. Malheureusement, à cause d'un attentat commis au restaurant ‘‘Le Cygne’’, réservé aux officiers allemands, Arthur Haulot se retrouve « incorporé » dans un groupe de 40 otages victimes de l'opération "Nuit et brouillard".Arthur Haulot, Dachau (Wikimedia_Commons)
Il est déporté au camp de Mauthausen où, âgé de 29 ans, il tient bon malgré les privations, les mauvais traitements et le travail exténuant. En novembre 1942, il est transféré au camp de Dachau où il participera au Comité international clandestin comme représentant des prisonniers belges. Il sera l'adjoint de Pat O'Leary (Albert Guérisse), Président du Comité, lorsque ce dernier assurera le commandement du camp lors de la libération de celui-ci par la division Rainbow de l'armée américaine.
Considérant que « jamais nous ne tombons ni ne nous élevons si haut que dans des circonstances exceptionnelles » Arthur Haulot dit de sa tragique aventure : « Si je sors d'ici vivant, je ne regretterai jamais d'y être passé ».
L'après-guerre
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il témoigne en 1945 de l'horreur des camps de concentration dans un livre intitulé Dachau. Afin de commenter personnellement le procès de Nuremberg, il exerce à nouveau durant quelques mois son ancien métier de journaliste au journal Le Peuple. [...]
Afin de récompenser de telles actions, le roi Baudouin le fait baron alors qu'il vient d'obtenir le titre de docteur honoris causa donné par l'université Paris-8 à une personnalité étrangère, dont l'engagement et les œuvres s'inscrivent dans l'esprit de l'université. [...]
Arthur Haulot était franc-maçon, membre actif de la Loge Action et Solidarité n°1 du Grand Orient de Belgique.
Arthur Haulot est mort le 24 mai 2005 laissant la Belgique orpheline d'un « résistant, poète, conteur, nouvelliste, essayiste » soucieux des relations humaines entre tous les peuples. »
Les sept merveilles de Belgique
Soucieux de l'image touristique de la Belgique, il eut l'idée en 1978, en tant que Commissaire général au tourisme à l'époque, de la notion des sept merveilles de Belgique1.
- L'Agneau mystique de Gand- Fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège
- La châsse de Notre-Dame Flamande à Tournai
- La Descente de Croix de Rubens à Anvers
- La Chute d'Icare de Pieter Breughel à Bruxelles
- Le reliquaire de Sainte-Ursule de Hans Memling à Bruges
- Le trésor d'orfèvrerie d'Hugo d'Oignies à Namur
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_HaulotIl intervient dans un livre de Christian Libens Sur les pas des écrivains à Liège où il évoque le temple de Hors-Château.
Frère Pierre précise encore :
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Après la ''désincarnation''
Antoine le GuérisseurDes fêtes antoinistes ont été célébrées l'autre jour à Jemeppe-sur-Meuse, en Belgique, à l'occasion de l'anniversaire de la mort d'Antoine.
Il y a eu en effet un an mercredi dernier qu'est mort le visionnaire fameux, dont le renom est considérable tant en Belgique qu'à l'étranger : Antoine le Guérisseur.
Cet homme, à qui son regard fulgurant et sa barbe de fleuve donnaient l'aspect d'un des anciens prophètes d'Israël, exerçait sur la plupart des gens qui l'approchaient un ascendant extraordinaire. Il disait posséder la révélation de la vérité. Il passait pour opérer, par le seul pouvoir de sa volonté, des guérisons miraculeuses.
Mais l'antoinisme ne mourut pas avec Antoine, et le temple édifié à Jemeppe continue à être le centre d'un mouvement intense, centre où parviennent chaque jour, sous forme d'un courrier formidable, les plaintes et les vœux de l'humanité malheureuse.
C'est qu'Antoine avait pris une sage précaution pour assurer la pérennité de son œuvre.
Quand il fut sur le point de mourir, il fit savoir à ses disciples que sa femme lui succéderait, qu'elle pourrait s'assimiler à son fluide éthéré et il la chargea de recueillir et de lui transmettre les désirs des antoinistes.
C'est en vertu de cette désignation que la veuve du guérisseur guérit à son tour, ou, du moins, s'y applique.
Pour célébrer l'anniversaire de la désincarnation d'Antoine, celle qui fut sa femme conviait les antoinistes du monde entier à se rendre, mercredi dernier, à Jemeppe-sur-Meuse ; elle annonçait que les malades obtiendraient de grandes guérisons.
Les antoinistes vinrent au nombre de plusieurs milliers. La Belgique, les Pays-Bas, certaines provinces du nord de la France fournirent le gros de cette armée singulière. Paris, qui compte quatre ou cinq groupes antoinistes, avait, pour sa part, envoyé environ cent-cinquante pèlerins.
Les plus zélés suivent les recommandations du père Antoine à la lettre. C'est ainsi qu'ils s'imposent le port d'un costume disgracieux, dont le guérisseur fixa la couleur et la coupe : c'est, en serge noire, un vêtement sans nom, qui réalise une manière de compromis entre la soutane des prêtres maronites et la redingote de certains pasteurs américains ; comme coiffure, un « gibus » qui rappelle, avec moins d'ampleur, l'antique « bolivar », que nous pouvons voir, sur de vieilles gravures, couvrir le chef vénérable de nos arrière-grands-pères.
Dans le temple antoiniste, c'est la Mère qui procède. La Mère, c'est la veuve d'Antoine, lequel n'est désigné par les antoinistes que sous le vocable le Père.
Dans le silence qui précède les grands événements, les fidèles attendirent, regardant devant eux une tribune étroite et longue, sur le bord de laquelle était peint – blanc sur fond noir – l'arbre de la vie, symbole de s'antoinisme. Devant la tribune principale, quelques mètres plus bas, une autre tribune, plus petite.
Au bout d'une demi-heure d'attente, un grand diable barbu et chevelu, avec les yeux perdus qu'on prête aux nihilistes russes, apparut sur la tribune la moins élevée et resta là, sans mot dire, le regard dans le vide.
C'est, notre frère Deregnaucourt. Ainsi que la Mère a remplacé le Père, il remplacera la Mère le jour où celle-ci se désincarnera à son tour...
Le frère Deregnancourt attendit... L'assistance était haletante et recueillie. Seule, la béquille d'un infirme, en tombant sur le plancher, troubla un instant le silence.
Mais soudain, on entendit le tintement aigrelet d'une sonnette. Tous les pèlerins se dressent, d'un seul élan. C'est la Mère qui apparaît. Elle est sur la tribune. Toute blanche dans ses vêtements noirs, elle regarde vers le plafond, en se tordant les poignets... Avec un peu de bonne volonté, on peut retrouver dans l'expression de son visage l'air fatal et inspiré des anciennes sibylles... Cinq minutes, elle reste là, le regard fixe, les poings crispés... Puis elle s'en va... C'est fini. Les fidèles se retirent.
C'est là « l'opération » annoncée. La mère dut la recommencer cinq fois, chaque fois devant cinq à six cents personnes.
On avait aussi promis des guérisons. Mais c'est une autre affaire. Ce sera sans doute pour plus tard !
Après les opérations, les antoinistes ont fait un pieux pèlerinage à travers le jardinet où tout en repiquant ses salades et en échenillant ses choux, le père Antoine sentit naître sa vocation de Christ nouveau...La Tribune de Genève, 3 juillet 1913 (source : e-newspaperarchives.ch)
Reprend en partie l'article paru dans Le Matin du 30 juin 1913.
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Jitno Zerno, 1935
Le Maître Parle - Dieu #1 (Le Fraterniste, 15 avril 1935)
Le Maître Parle - Dieu #2 (Le Fraterniste, 1er mai 1935).
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Frère et Sœur Laho, au service du Temple de Lille jusqu'en 1996
ici à la source du Père à Seraing
(photo FB de Jean-Luc Passerel, petit-fils)
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