• Mode de pensée. - Lorsque l'esprit vient à réfléchir sur soi-même et à contempler ses propres actions, la pensée est la première chose qui se présente à lui, et il y remarque une grande variété de modifications qui lui fournissent différentes idées distinctes.
        Ici, Locke énumère de nouveau la perception et la mémoire, qu'il avait considérées d'abord comme idées simples. Il ajoute différentes variétés de mémoire ou d'imagination la réminiscence qui suppose effort, la contemplation longue et attendrie, la rêverie flottante. Lorsqu'on réfléchit sur les idées qui se présentent d'elles-mêmes et qu'on les enregistre dans sa mémoire, c'est attention. Dans le sommeil, on « songe ». L'extase est « songer les yeux ouverts ». De ces degrés divers de tension ou de détente mentale, Locke conclut que la pensée est l'action et non pas l'essence de l'âme, comme le prétendait Descartes : les essences ne comportent pas le plus et le moins.
        Ici encore, Locke rappelle le plaisir et la douleur et le malaise ou désir, qui est ressenti pour l'absence d'une chose qui donnerait du plaisir si elle était présente. C'est le sentiment de l'insuffisance du présent pour notre bonheur. Le malaise est le seul principe, le seul aiguillon qui excite l'activité et l'industrie humaines. L'amour est la « réflexion » sur le plaisir qu'une chose ou un individu présent ou absent peut produire en nous. La haine est la réflexion contraire.
        Locke n'attache aucune importance à l'association des idées. Hobbes en avait le premier formulé la loi : « La cause de la cohérence ou de la conséquence d'une conception par rapport à une autre est leur première cohérence ou conséquence au temps où elles furent produites par les sens ». Locke y voit la principale cause de l'erreur, et surtout de la sympathie et de l'antipathie, par l'influence des esprits animaux. Elles diffèrent selon l'inclination, l'éducation, l'intérêt ; elles appartiennent moins à la physiologie qu'à la pathologie de l'esprit. Les fondateurs de l'associationnisme se nomment Hume et Hartley.

    Jean Didier - Locke (1911), p.25
    source Gallica


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  • ANTOINE LE GUÉRISSEUR
        VIENT DE MOURIR EN BELGIQUE

        BRUXELLES, 25 juin. - Du correspondant particulier du « Matin » (par téléphone). - Antoine le guérisseur, qui avait fondé en Belgique un religion nouvelle, est décédé ce matin à Jemeppe.
        Né dans ce pays en 1846, il y avait instauré son culte il y a une vingtaine d'années. Sa religion que l'on appelait l'« antoinisme », promettait la guérison des maladies par la prière et par la foi. Il réussit ainsi à obtenur quelques cures sur certains malades du système nerveux.
        Il avait en France, en Allemagne, aux Etats-Unis de nombreux adeptes, et il en comptait évidemment beaucoup en Belgique. Plusieurs temples et salles de réunion existent en effet en Wallonie, et il y a quelque temps, 130.000 « antoinistes » avaient adressé aux Chambres belges une pétition tendant à ce que leur culte fût reconnu officiellment.

    Le Matin 26 juin 1912

    source : gallica


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  •     La destinée de l'Homme lui-même était un problème. Avant la naissance, l'homme n'existe pas encore ; après la mort, il n'existe plus. La question que se posait les Anciens concernait la possibilité d'une autre vie ailleurs, après la mort. Mais si le corps ne bouge plus et demeure à l'endroit où il a été enterré, où vivra le défunt ?
        Au cours de cette sorte de mort quotidienne qu'est le sommeil, il nous arrive de rêver. Même si son corps ne quitte pas le lit où il repose, l'homme endormi connaît parfois, en rêve, d'étranges aventures et semble alors vivre une existence différente.
        Peut-être y a-t-il dans chaque homme un "double", un esprit, une âme unie au corps mais qui peut vive indépendamment de lui ? Est-ce cette âme qui subsiste après la mort ? Si la réparation de l'âme et du corps se produit quotidiennement à l'occasion du sommeil, pourquoi ne se produirait-elle pas au moment de la mort ?
        C'est sans doute un raisonnement proche de celui-ci qui est à l'origine de l'une des plus anciennes manifestations de la spiritualité humaine : le culte des morts. C'est parce que l'on croyait à la survie de l'âme que l'on déposait dans les tombes les objets familiers et les armes du défunt, ainsi que des provisions : en fait, tout ce dont il pouvait avoir besoin dans une autre vie. Ainsi prirent corps peu à peu deux idées fondamentales de la pensée religieuse : la présence, dans chaque homme, d'une âme immortelle, et l'existence d'un au-delà.

    Tout l'univers
    , volume 2
    La naissance des dieux, p.297
    Hachette, Paris, 1982


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  • Glück im Unglück haben.

    Avoir de la chance dans sa malchance.


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  • Dans son livre, Amin Maalouf manie volontiers le paradoxe et l’humour pour expliquer que les sociétés façonnent les religions plus que l’inverse

    «L’homme ne doit pas se couvrir la tête parce qu’il est l’image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet, l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme; et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. C’est pourquoi la femme doit, à cause des anges, avoir sur la tête un signe de sujétion.»

    L’exemple est malicieusement choisi mais la citation authentique: saint Paul, Epître aux Corinthiens. Des lignes qui auraient amplement suffi à condamner les chrétiennes d’Europe au voile si l’Europe l’avait voulu. Dans son livre, Amin Maalouf les cite pour démontrer que ce sont d’abord les sociétés qui façonnent les religions, et non l’inverse.

    Un autre thème qui lui tient à cœur est la distinction, en matière de religion, entre l’identité culturelle partagée et la foi proprement dite. Pour l’illustrer, il raconte une vieille blague juive. Un père athée, pour assurer à son fils la meilleure instruction possible, le met chez les jésuites. Un jour, ce dernier, fort de ce qu’il a appris sur la Sainte Trinité, demande à son père s’il est vrai qu’il y a «trois dieux». «L’autre fronce les sourcils: «Ecoute-moi bien, mon fils! Il n’y a qu’un seul Dieu, et nous n’y croyons pas!»

    dans «Le dérèglement du monde» vendredi15 mai 2009

    Textes sacrés, sacrés textes

    source : LeTemps.ch

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  • Nom donné par les Romains aux deux premiers siècles de l’Empire. Selon eux, le règne des dynasties flavienne et antonine (entre 69 et 192 apr. J.-C.) correspond à une période de paix et de prospérité.

    Faisant suite à une période de troubles et de guerres civiles (ier siècle apr. J.-C.), la pax romana — ou paix romaine — est glorifiée pour la première fois par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle, lorsqu’il parle de « l’immense majesté de la paix romaine ». Au début du Haut-Empire déjà, la cité de Rome — devenue capitale impériale depuis l’avènement d’Auguste — s’épanouit et s’embellit d’édifices monumentaux tel l’autel de la paix d’Auguste érigé à la toute fin du ier siècle av. J.-C.

    Au gré des conquêtes romaines, qui se poursuivent jusqu’au IIe siècle apr. J.-C., les territoires intégrés se dotent à leur tour d’institutions et de monuments affirmant une homogénéité de l’Empire grâce à la politique de romanisation. À son apogée, Rome domine une bonne partie de l'Europe actuelle, la totalité du bassin méditerranéen, y compris toute l'Afrique du Nord, la Palestine et la Syrie, prolongées au nord-est par la Mésopotamie et l'Assyrie jusqu'à l'Euphrate, l'Asie Mineure et l'Arménie. Dans ces vastes territoires, la sécurité des routes (voies romaines) permet un commerce florissant.

    Néanmoins, la pax romana reste une paix armée car les empereurs conservent les frontières de l'Empire grâce au limes. Au IIIe siècle, les invasions (germaines au nord et perses à l'est) mettent fin à cette paix romaine.

    source : http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761588717/pax_romana.html


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  • Enigme :

    Si tu trouves le passage, alors je t'apparais.
    Tu pourras me garder ou bien me partager.
    Mais si tu me partages, alors je disparais.
    Qui suis-je ?

     

    Solution (selectionner le texte entre crochet pour voir la réponse) :

    <le secret>


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  • Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 « image venant dans un rêve » (B. de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 21913); 2. a) 1269-78 « faculté d'inventer des images » (J. de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 8896); b) xive s. « faculté d'inventer des combinaisons » (Petit traicté pour faire horoleiges, p. 8a ds T.-L.); 3. ca 1370 « ce qui est conçu par l'esprit » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, fol. 141a, note 5, p. 380 : Et la malice de la complexion est cause de corrupcion de l'appetit et de perverses ymaginacions); 4. av. 1593 « faculté d'évoquer des images de ce qui a été antérieurement perçu » (Montaigne d'apr. FEW 4, 564a). Empr. au lat. de l'époque impériale imaginatio « image, vision », formé sur le part. passé imaginatus de imaginari, v. imaginer.

    source : http://www.cnrtl.fr/definition/imagination


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  • A.− Personne qui éprouve, manifeste une antipathie prononcée pour quelqu'un ou quelque chose représentant une valeur ou (plus rarement) personne, chose représentant une valeur et qui suscite une aversion marquée (de la part de quelqu'un).
    1. [En parlant d'un certain type de personne, notamment d'un écrivain, d'un artiste et, p. ext., de sa pensée, de son œuvre] Je sentais que ce compagnon méprisait d'une belle ardeur toutes les idées qu'il ne partageait pas, et c'est un plaisir de séduire des ennemis de cette sorte jusqu'à jeter ainsi le désarroi dans leur esprit catégorique (Barrès, Jard. Bérén., 1891, p. 77). Une tolérance générale atténue [aujourd'hui] les rivalités de ces anciens ennemis [les artistes des différentes écoles]; (...) la complexité de la société répond à celle des styles; il y a des admirateurs pour tout (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 439). S'ils [les régimes de dictature] mènent contre la liberté de la presse une lutte sans merci, c'est parce qu'ils voient dans la pensée indépendante leur ennemie peut-être la plus grande et la plus menaçante (Civilis. écr., 1939, p. 4407). Cf. aussi adversaire ex. 12.
    2. [En parlant d'une chose] Ennemi de
    a) [concr.] Adj. Cet autre, partisan du clair-obscur d'école, est ennemi de la teinte plate (Lhote, Peint. d'abord, 1942, p. 130).
    b) [abstr.] Ennemi de la foi, de la liberté, de la philosophie. L'Ennemi des Lois (ouvrage de Barrès, 1893). Ce Rousseau malheureux par son propre génie (...) Triste ennemi des arts, et célèbre par eux (Michaud, Printemps proscrit, 1803, p. 73). Il est positiviste et ennemi acharné du catholicisme (Amiel, Journal, 1866, p. 530). Cf. aussi ami ex. 111 et 115.
    Emploi adj. Je vois que vous personnellement, vous êtes ennemie du mariage, et que vous pensez qu'il ne faut jamais se marier (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p. 32). Ennemi de la débauche, portant un cœur sentimental qui emplissait ses yeux songeurs et magnifiques, il détestait et méprisait les filles (Pesquidoux, Livre raison, 1925, p. 211).

    B.− P. anal. Chose qui, par sa nature, est en opposition avec une autre chose et peut nuire à celle-ci.

    1. [À propos de choses concr.] Les rides, ces redoutables ennemies de la beauté (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 146). On ne peut se figurer avec quelle rage l'eau attaque son ennemi [le brasier] (Hugo, Rhin, 1842, p. 150). À côté de la force centripète, se dresse une force antagoniste, une ennemie née : la force centrifuge (Maeterl., Gde loi, 1933, p. 77).
    Emploi adj. Les couleurs opposées sont souvent moins ennemies que les nuances d'une même couleur (Michelet, Journal, 1821, p. 169). Les savants conflits de sons ennemis qui se combattent d'abord pour s'embrasser ensuite (Berlioz, À travers chants, 1862, p. 42). Une sombre toison ennemie du peigne (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 247).

    2. [À propos de choses abstr.] Les catholiques, et j'en ai connu de très-sincères, m'ont crié que, dans ces trois termes, il y en avait un qui tuerait les deux autres. La soif de connaître est suivant eux, l'ennemi et le destructeur impitoyable du besoin de croire et du plaisir d'aimer (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 304). L'ennemi mortel de l'âme, c'est l'usure des jours (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 343). L'Église a (...) fort bien pressenti le redoutable ennemi que devait être pour elle (et devenir de plus en plus) la science (Gide, Feuillets, 1937, p. 1287).Loc. proverbiale. Le mieux est l'ennemi du bien. On gâche une chose assez réussie en voulant l'améliorer.

    source : http://www.cnrtl.fr/definition/ennemi


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  • Le terme épigénétique définit les modifications transmissibles et réversibles de l'expression des gènes ne s'accompagnant pas de changements des séquences nucléotidiques. Ce terme qualifie en fait ce qui résulte de modifications de l’ADN (par exemple méthylation des cytosines) ou des protéines liées à l’ADN (par exemple histones). Les changements peuvent se produire spontanément, en réponse à l'environnement, à la présence d'un allèle particulier, même si celui-ci n'est plus présent dans les descendants.

    Ce type de régulation peut cibler l'ADN, l'ARN ou les protéines et agir au niveau du noyau ou du cytoplasme. Les modifications épigénétiques constituent l'un des fondements de la diversité biologique.

    L'épigénétique se propose d'étudier les effets qui sont hérités d'une cellule à sa descendante lors de l'embryogenèse, de la régénération ou du remplacement des cellules, des tumeurs, des cultures de cellules ou de la réplication d'organismes unicellulaires.

    Depuis quelque temps, on observe un intérêt croissant pour le fait que certains caractères épigénétiques hérités pouvaient être transmis lors de la réplication de cellules (méiose) voire subsister d'une génération à l'autre pour des organismes multicellulaires.

    Les phénomènes épigénétiques constituent un programme qui déciderait quels gènes activer ou, a contrario, inhiber. L’environnement influence ces signaux épigénétiques qui peuvent ainsi subir de petits changements. Ces épimutations sont plus fréquentes que les mutations classiques de l’ADN.

    Pourquoi deux vrais jumeaux ne sont-ils pas sujets aux mêmes maladies ? Parce que, pensent aujourd'hui les chercheurs, de nombreux facteurs influent sur notre organisme. Et, en premier lieu, l'alimentation. Celle-ci aurait une influence directe sur nos gènes et ceux de nos descendants. On appelle cela l'épigénétique.

    Épigénétique, nous sommes ce que nous mangeons : n°2

    Épigénétique, nous sommes ce que nous mangeons : n°3


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  •     L'usine haletait dans une fin d'après-midi de juillet. Il y avait une heure à peu près que la dernière coulée, sortie pétillante et rouge du ventre des hauts fourneaux, s'était solidifiée dans les lingotières. A coups de masses, des hommes aux pectoraux nus rompaient à présent cette lave froidie, en empilaient les blocs dans leurs mains munies de paumes de cuir, le torse projeté en arrière, avec la saillie violente des côtes, l'un après l'autre allaient vider leurs charges sur des roulottes qui ensuite prenaient à grand bruit le chemin des laminoirs, cahotant parmi les scories des cours et de rails en rails rebondissant à travers les voies ferrées qui sillonnaient l'aire en tous gens. Tout en haut, dans les flammes pâles du jour, l'énorme gueulard, pareil à un cratère, exhalait des tourbillons de gaz bleus, allumés par moments d'un rose d'incendie plus bas, le long de la ligne des fours à coke, crépitaient des rangs de feux clairs, dans un brouillard de puantes fumées noires; et constamment les longues cheminées grêles des fours à puddler et à chauffer lançaient leurs flottantes spirales grises parmi les jets bouillants éructés des chaudières.
        A la gauche des grilles d'entrée, les forges, la fonderie, l'ajustage, la chaudronnerie, alignés en une suite d'installations parallèles, ronflaient comme une colossale turbine tournoyant dans l'espace. Le anhèlement boréen des souffleries, le battement ininterrompu des enclumes, la retombée à contre-mesure et toujours recommençante des mille marteaux sur le cuivre, le fer et la tôle, l'époumonnement saccadé et rauque des machines, la trépidation bourdonnante des courroies de transmission, le stridemment des scies, des cisailles, des limes et des forets mordant les métaux formaient une tempête de bruits aigus, discords, retentissants et sourds, dominés à intervalles réguliers par le coup de canon émoussé d'un pilon de quatre mille, dont chaque pesée semblait devoir fendre la croûte terrienne dans sa profondeur. Un autre groupe de bâtiments, séparés des premiers par un chantier encombré de baquets, de monceaux d'écrous et de jonchées de ferrailles, réunissait les ateliers de la tôlerie, du montage et de l'essayage, ces deux derniers ouverts à leurs extrémités pour l'entrée et la sortie des locomotives comme les garages des stations de chemin de fer. Là, le tapage grandissait encore dans un roulement affolé de maillets battant la charge sur des panses de générateurs comme sur de monstrueux tambours; par moments tous les marteaux tapant à l'unisson, on avait la sensation d'une multitude de dragueurs déchargeant à la fois leurs godets sur des plaques de tôle; et même pendant les courtes pauses du martelage, l'air demeurait ébranlé par d'effroyables sonorités de gongs et de cloches qui rendaient les monteurs et les chaudronniers sourds au bout de trois ans de métier.
        Cependant, avec des sibilements de peine et d'ahan, la horde farouche des puddleurs, poudreux et noirs dans le fulgurement de leurs fours, de longs ruisseaux de sueur coulant comme des larmes de leurs membres exténués jusque parmi les flots de laitier piétinés par leurs semelles, s'exténuaient aux suprêmes efforts de la manipulation. En vingt endroits, brusquement les portes de fer des cuvettes battirent; des bras armés de tenailles venaient d'entrer dans la fournaise, en avaient extrait d'horribles boules rugueuses, papillées de grains de riz d'un éclat aveuglant, comme des têtes de Méduse à crinières de flammes, et les avaient précipitées sur des véhicules de fer qui les emportaient maintenant crachant le feu par les yeux, la bouche et les narines, du côté des marteaux pilons. De moment en moment, le nombre de ces boules roulantes augmentait; elles décrivaient dans les houles humaines des trajectoires sanglantes qui se croisaient, multipliaient à terre des rais de feu; le sol en tous lieux était éclaboussé d'un déluge de braises fumantes que les pieds écrasaient et qui se rompaient en fusées d'étoiles. Et sans trêve le marteleur, son masque en fil de fer sur la face, les tibias et les pieds protégés d'épaisses lamelles de cuir qui lui donnaient une apparence grotesque et terrible, remuait aux crocs de ses tenailles, sous les chocs d'un pilon s'abattant avec un fracas mou, les informes blocs pétillants desquels, à chaque coup, giclait, comme une sève chaude, toute une pluie d'étincelles. Les passeurs à leur tour s'emparaient des loupes graduellement équarries et les portaient aux laminoirs ébaucheurs. Puis commençait la galopée des crocheteurs, bondissant par bandes de quatre de chaque côté des rouleaux, leurs lourdes pinces en arrêt pour saisir au passage la barre de fer, dès sa sortie des cylindres. Et la barre s'allongeait, finissait par ressembler à un énorme serpent écarlate, se tordant dans la fuite et la bousculade du train.
        De plus en plus, les cris, les appels, les tintements des gongs, le cahotement des véhicules, le sifflement de la vapeur, le bruit des ringards jetés à terre montaient, se mêlaient, dissonaient dans la prodigieuse cacophonie de ce peuple d'hommes et de machines tourbillonnant, beuglant et mugissant à l'égal d'une ménagerie. Chaque fois que la scie à vapeur, décliquant sa grande roue dentelée, mordait un rail, un crissement s'entendait, horrible, comme une décharge de mitraille, en même temps que s'échappait du fer scié un pétillement de rubescentes binettes. Et au loin, un autre monstre, aux roues de fonte perpétuellement bourdonnantes, avec deux colossales mâchoires qui s'ouvraient et se formaient d'un mouvement automatique, les terrifiantes cisailles mécaniques cassaient d'une fois des pièces grosses comme une tête d'homme, sans jamais s'alentir ni s'accélérer, leurs crocs toujours prêts à travers on ne sait quel épouvantable meuglement produit par le toupillement des moules massives. Puis, dominant tout ce pêle-mêle des batailles industrielles, avec une rotation de cent tours à la minute, la vision chimérique des volants, gironnant dans leur cage de fer et touchant presque la voûte, évoquait la pensée de disques solaires désorbités et roulant en des ellipses effrénées à travers l'espace. Et tandis que, dans les flammes dévorantes de l'air, les hommes érénés, pantelants, les côtes trouées de creux profonds à chaque halenée, s'épuisaient aux offres du dernier coup de collier, il semblait qu'une exaspération avait pris tout ce monde ténébreux des machines, par ironie des forces déclinantes de la créature. Cependant puddleurs, chauffeurs, lamineurs, crocheteurs, passeurs, luttaient contre l'action conjurée de l'écrasant soleil et des lassitudes grandissantes. L'un après l'autre ils se plongeaient la tête et le thorax dans des cuves d'eau, près des ouvertures, tout blêmes sous le jour vermeil, avec des taches roses de brûlure à leur peau mordue par les souffles des fours. Des râles sortaient des poitrines, les bouches expiraient des haleines ardentes, et une puanteur chaude de chair humide, comme un faguenas d'hôpital, passait dans les relents de graisse, de houille et d'huile qui saturaient, l'air.


    Camille Lemonnier - Happe-chair (1886), p.2
    source : gallica


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  •     Le rôle de la société Cockerill fut décisif dans la genèse de la folie russe qui saisit les capitaux belges. Déjà le fondateur s'y était attaqué, c'est d'ailleurs à Varsovie qu'il meurt en 1840. Après son décès, ses entreprises sont transformées en une société anonyme. Entré dans le conseil d'administration en 1865, le baron de Sadoine fut un gestionnaire avisé mais aussi très imaginatif. C'est lui qui prit l'initiative de visiter la Russie et d'en explorer les potentialités. Soutenu par le président du conseil, le Hutois Charles Delloye-Matthieu, il s'inscrit dans le droit fil de la tradition d'appropriation des matières premières en prenant des intérêts dans le bassin minier de Krivoï-Rog vers 1875.
        La dépression internationale qui affecte la sidérurgie européenne depuis 1873 retarde ses projets. Ce n'est que onze ans plus tard, en 1886, qu'une alliance avec les Aciéries Praga de Varsovie débouche sur la constitution de la puissante société métallurgique Dniéprovienne du Midi de la Russie. En 1896, la firme installe également un complexe dans le bassin charbonner du Donetz. Un an plus tôt, des administrateurs de Cockerill s'étaient associés à la Société métallurgique d'Aiseaux en France, pour établir les Chantiers navals, Ateliers et Fonderies de Nicolaïeff, réalisant ainsi un projet du baron de Sadoine vieux de vingt ans.
        A partir de 1895 environ, 260 sociétés étrangères dont 160 belges vont suivre le chemin tracé par Cockerill. Boris Chlepner n'a pas hésité à parler d'une "croisade des capitaux belges en Russie", et Eddy Stols à qualifier la Russie méridionale de "province industrielle belge". "Dans cette expansion", écrit Roger Cavenaille, "les Wallons et particulièrement les Liégeois ont eu une part prépondérantes". Sur la seule année 1895, les Acieries d'Angleur et la Société des Outils de Saint-Léonard sont à l'origine de la Société métallurgique russo-belge; le groupe Chaudoir crée la Société russe de Fabrique de Tubes; l'Espérance-Longdoz bâtit la SA des Hauts-Fourneaux de Toula; un consortium franco-belge qui regroupe la SA d'Ougrée, les Tôleries liégeoises et les Tubes à Louvroil fondent la Société métallurgique des Aciéries de Taganrog.


    Wallonie, Atouts et référence d'une Région,
    Les Wallons hors de la Wallonie,
    par Michel Oris et Jean-François Potelle
    II. De la révolution au déclin industriel, p.423
    Région wallonne et Ed. Labor, 1995


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  • Avoir sa conscience pour soi. Avoir, quoi qu'il arrive, la certitude et la satisfaction d'agir − ou d'avoir agi − selon sa conscience. Il me reste ma conscience :

    28. Il avait renoncé à beaucoup de choses, il n'écrivait plus, il ne s'amusait pas tous les jours mais ce qu'il avait gagné en échange, c'est qu'il avait sa conscience pour lui, et ça c'était énorme.
    S. de Beauvoir, Les Mandarins, 1954, p. 217.

    source : http://www.cnrtl.fr/definition/conscience

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  •     Il n'y a pas d'idées innées, de notions passivement reçues. Comment formons-nous donc nos idées ? Locke part de la supposition que l'esprit est un table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée quelle qu'elle soit. Reste donc que l'expérience soit le fondement de toutes nos connaissances. Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles ou sur les opérations intérieures de notre âme, fournissent à notre esprit les matériaux de toutes nos pensées. Nos idées appartiennent toutes à l'expérience, et celle-ci est double : sensation, réflexion. La sensation perçoit les objets externes, les qualités sensibles ; la réflexion saisit les actes de conscience. L'expérience externe sur le corps suscite une perception dans l'âme. L'expérience interne tient à ce que l'âme reçoit en même temps l'impression de l'activité déployée pendant l'élaboration des idées provenant de l'expérience externe.

    Jean Didier, John Locke, 1911, p.12
    source : gallica


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  •     Une des métaphores les plus courantes pour désigner la communication psi est empruntée à la vision du monde paradoxale de la mécanique quantique. Cette science décrit le comportement de la matière au niveau subatomique, où les unités de base ne sont ni des particules ni des ondes mais se comportent comme les unes et les autres, et où on ne peut pas affirmer que la matière existe. Elle a une "tendance à exister" exprimée comme une probabilité mathématique.
        L'univers subatomique obéit à d'autres règles que celles du monde que nous connaissons. Par exemple, dans une expérience, deux particules - un électron et son équivalent antimatière, un positron - entrent en collision, s'annihilant l'un l'autre en donnant naissance à deux photons qui s'éloignent en sens inverse. De par les étranges lois de la mécanique quantique, le photon A ne possède pas de priorités telles que le spin ou la vitesse jusqu'à ce qu'il soit remarqué par un observateur. Le fait même de la mesurer "perturbe sa fonction d'onde" et lui assigne des valeurs au hasard. Au moment où l'observateur mesure le photon A, lui conférant de ce fait un certain spin, le photon B acquiert le spin opposé, quelle que soit sa distance et bien que rien ne le relie à la première particule. Le photon B parait "savoir" instantanément ce que fait le photon A.
        Ce fait, confirmé par des expériences de physique, donne à penser que tout se tient dans l'univers d'une manière qui ne nous apparaît pas, peut-être à un niveau subquantique qui inclut notre conscience. S'il en est ainsi, la clairvoyance, qui permet à un voyant de savoir instantanément qu'une catastrophe aérienne vient de se produire, devient plausible.

    Les Mystères de l'inconnu, Les pouvoirs de l'esprit, p.73


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  • le documentaire à voir ici.

    Comment la production de biocarburants contribue à réduire les surfaces consacrées aux cultures vivrières.

    En Indonésie, la forêt pluviale est rasée pour faire place à la production d'huile de palme. Tandis que l'huile exportée vers l'Europe rapporte de substantiels bénéfices aux producteurs, les populations expropriées sans dédommagement sont contraintes de mendier leur nourriture. En Inde, le programme de biocarburants lancé par Mercedes Benz (et subventionné par des fonds européens) repose sur le jatropha, une plante oléagineuse qui pousse sur des terrains semi-arides et n'entre donc pas en concurrence avec des cultures vivrières. Mais le jatropha est toxique pour l'homme et les animaux...

    (Allemagne, 2008, 43mn)
    NDR
    Réalisateur: Inge Altemeier, Reinhard Hornung


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  •     J'ai dit que l'esprit est le vaccin, le virus qui nous inocule l'amour, la réalité, qu'il nous y rend assimilables mais qu'il en est l'obstacle quand nous voulons nous en pénétrer. Le jour où nous comprendrons que la matière n'est que de l'imagination de l'esprit, l'obstacle que l'on doit surmonter pour arriver au vrai bonheur, nous serons convaincus que le connais-toi est indispensable à celui qui veut se rendre compte de la réalité des choses.

    Le Développement de l'Enseignement du Père, De quelle façon pouvons-nous interpréter l'esprit, p.108


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