•     « Être libre, quand ce ne serait que pour changer sans cesse d’esclavage ».

    Apophtegmes de Natalie Clifford Barney


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  •     « Ce que l'on peut nommer, cela n'est pas Dieu. »
    Hadewijch d'Anvers


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  •     On peut retenir la concurrence entre deux grandes civilisations différentes de l'age axial, celle de l'ancien Israël et celle hellénistico-romaine, première rencontre dans l'histoire occidentale qui, à coup sûr, facilita le développement de clivages secondaires. Ce choc fut d'une importance décixive pour les développements futurs de la civilisation juive. En effet, le sectarisme et l'hétérodoxie apparurent pour la première fois. Cela allait susciter par la suite l'émergence du christianisme. En fait, comme Alan Segal, parmi d'autres, l'a montré, le développement du christianisme à l'intérieur du judaïsme, puis sa séparation finale, ne peuvent être compris que sur un fond de changement interne du judaïsme, principalement celui entraîné par la rencontre avec les civilisations hellénique et romaine. Le christianisme, cependant, en quittant le cercle de la civilisation juive, n'en effaça pas le point de référence commun, à savoir l'antique Israël.
    Shmuel Noah Eisenstadt, Le Retour des Juifs dans l'Histoire, p.46
    Editions Complexe, Théorie politique, Paris, 2002

        On aura le même processus lors de la Réforme (avec l'arrivée de l'imprimerie), puis au temps de la Théosophie, du Spiritisme et donc du Père (avec le découverte des pensées asiatiques et leurs introduction par Jung, entre autre).
        On assiste actuellement au même phénomène : émergence de nouvelles sectes (Témoins de Jéhovah, Scientologie, Mormonisme...) du fait de l'impérialisme américain et la cocacolinistation...

        L'orientation vers le monde terrestre, inhérente au code chrétien, l'idée que la reconstruction de celui-ci constitue une part du chemin vers le salut, une arène pour les activités relevant du salut - idée qui contraste avec le bouddhisme par exemple - trouve ses racines dans le représentation juive. L'orientation intra-mondaine, en constante tension avec une orientation ultra-mondaine, s'est manifestée dans les positions fondamentales du christianisme et du dogme, aussi bien que dans son cadre institutionnel. Elle apparut déjà évidente dans le rôle central du Christ, dépositaire d'une vision spirituelle d'un autre monde mais aussi de l'incarnation terrestre au moins en tant qu'un des aspects de la divinité.
    Shmuel Noah Eisenstadt, Le Retour des Juifs dans l'Histoire, p.50
    Editions Complexe, Théorie politique, Paris, 2002

        Encore une fois un confirmation du caractère bouddhique de l'antoinisme. Et peut-être une explication de son recul en tant que culte en Europe, où de plus en plus les préoccupations intra-mondaines s'affirment dans les sectes comme les Témoins de Jéhovah et la Scientologie, mais aussi la Politique et l'Ecologie.


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  •     Si la vie réelle est un chaos, en revanche une terrible logique gouverne l'imagination. C'est l'imagination qui lance le remords à la poursuite du péché. C'est l'imagination qui donne au crime son odieuse progéniture. Dans le simple monde des faits, les méchants ne sont point punis, les bons ne sont point récompensés. Le succès couronne les forts, la défaite écrase les faibles. Et c'est tout.

    Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray, p.255
    Stock, Le Livre de Poche, Paris, 1983


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  •     L'homme raisonnable et profond est doué d'un talent spécial qui lui permet de voir l'en-dedans des choses, de contempler la beauté invisible, d'écouter la voix du silence et, à travers cette voix, l'autre musique, la musique inaudible qu'on entend avec l'oreille de l'âme, de percevoir enfin la vérité intérieure.

    Vladimir Jankélévitch, La mort, p.47
    Champs Flammarion, Paris, 1977


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  •    Teilhard pense également identifier parallèlement à l'évolution biologique une évolution de type moral : l'affection pour la progéniture se rencontre chez les mammifères et non chez les reptiles apparus de façon plus précoce. L'espèce humaine, malgré ses accès de violence sporadique, s'efforce de développer des réseaux de solidarité de plus en plus élaborés (Croix-Rouge de Dunant, Sécurité sociale de Bismarck... ) : l'évolution physique qui a débouché sur l'hominisation se double d'après lui d'une évolution spirituelle qu'il nomme humanisation. Se demandant d'où vient ce surcroît de conscience, il l'attribue à la croissance également de la complexité des structures nerveuses : le cerveau des mammifères est plus complexe que celui des reptiles, celui des humains plus complexe que celui des souris.
        Il s'émerveille également de l'interfécondité de toutes les populations humaines sur la planète, à laquelle il ne voit pas de vraie correspondance dans les espèces animales : au contraire, pour ces dernières, un isolement géographique se traduit à terme par des spéciations :
        D'une part, ces rameaux se distinguent de tous les autres antérieurement parus sur l'arbre de la vie par la dominance, reconnaissable en eux, des qualités spirituelles sur les qualités corporelles (c'est-à-dire du psychique sur le somatique). D'autre part, ils manifestent, sans diminution sensible, jusqu'à grande distance, un extraordinaire pouvoir de se rejoindre et de s'interféconder.
        Cette particularité de l'espèce humaine interpellera plus tard aussi Jacques Ruffié, professeur d'anthropologie physique au Collège de France.

    source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chardinisme#Hominisation_et_humanisation


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  •                                                    22 mai.

        La vie humaine n'est qu'un songe ; c'est ce que beaucoup ont pensé et cette idée ne cesse de me poursuivre. Quand je considère les étroites limites dans lesquelles sont circonscrites les facultés actives et intellectuelles de l'homme ; quand je vois que tous leurs efforts s'épuisent à satisfaire des besoins, qui n'ont d'autre but que de prolonger notre maheureuse existence ; que toute notre tranquilité, sur certains points de la science, n'est qu'une résignation fondée sur des rêves, produite par cette illusion qui couvre les murs de notre prison de peintures variées et de perspectives lumineuses ; tout cela me rend muet, mon ami ; je rentre en moi-même, et j'y trouve un monde ! mais un monde fantastique, créé par des pressentiments, de sombres désirs et qui n'a aucune vivante action. Couvert d'un nuage épais, tout nage, tout flotte devant moi, et je m'enfonce en souriant dans ce chaos de rêves.
        Gouverneurs, pédagogues, instituteurs, tous sont d'accord que les enfants ne savent ce qu'ils veulent. Mais que nous autres, grands enfants, parcourons ce globe en chancelant, sans savoir d'où nous venons, où nous allons ; que, comme les petits, nous agissons sans but ; que, comme eux, nous nous laissons mener par des gâteaux, des bonbons et de la verge, c'est ce que personne ne veut croire volontiers, et à mon avis cependant cela crève les yeux.
        Au reste, j'accorde bien volontiers (car je sais ce que tu vas me répondre), que ceux-là sont les plus heureux qui, comme les enfants, vivent au jour la journée, traînent leur poupée cà et là, l'habillent, la déshabillent, passent et repassent avec grand respect devant le tiroir où la maman tient les sucreries, et quand elle leur en donne, les dévorent avec avidité et se mettent à crier : encore, encore ! Oui, voilà de fortunées créatures ! Heureux aussi ceux qui donnent un titre imposant à leurs futiles occupations ou même à leurs passions, pour les présenter au genre humain comme des oeuvres de géant, entreprises pour son salut et sa prospérité. Encore un fois, grand bien leur fasse, à eux et à qui peut penser comme eux. Mais celui qui dans son humilité reconnaît le néant où toutes ces vanités viennent aboutir ; celui qui voit le bourgeois aisé arranger son petit jardin comme un paradis ; qui voit le malheureux sous le fardeau qui l'accable, se traîner sur le chemin sans se rebuter ; et tous deux enfin également intéressés à contempler une minute de plus la lumière du soleil ; celui-là, dis-je, est tranquille, il crée son univers en lui-même, il est aussi heureux d'être homme. Quelque limité que soit son pouvoir, il entretient toujours dans son coeur le doux sentiment de la liberté ; il sait qu'il peut quitter cette prison quand il lui plaira.

    Goethe, Werther, p.42-44
    Librairie Gründ, Paris
    Préface de Sainte-Beuve


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  •     - Et je sens aussi qu'à chaque instant, dans le monde, toute la joie et toute la douleur s'équilibre. Mais leur répartition, cette injustice apparente, ce faux hasard sont un mystère. [...] Le Seigneur est venu : il n'a pas expliqué ces mystères ; il leur a donné un sens. [...] Il n'a pas seulement parlé - et ses paroles éclairaient tout ; il a souffert. Ce serait impensable, inutile, s'il n'y avait pas, justement, ce grand mystère à apprivoiser. Il a tout souffert avant nous : la pauvreté, l'injustice... l'agonie, ajouta Bruno en baissant la voix. Si nous tenons sa main, nous ne seront plus jamais seuls. [...]
        - Notre chagrin, notre impuissance ne peuvent t'aider qu'en faisant le détour par Dieu. Le chemin le plus court d'un homme qui souffre à un homme qui souffre passe par le Christ. C'est une expérience qu'un milliard de chrétiens peuvent faire chaque jour. [...] L'agonie des autres est toujours l'image de la nôtre. C'est le même mystère. Le Christ agonisant jusqu'à la fin du monde...

    Gilbert Cesbron, Il est plus tard que tu ne penses, p.128
    Robert lffont, Cercle du Bibliophile, Paris, 1965


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  •     Je me suis même emballé et j'arrivais plus à m'arrêter tellement j'avais envie de tout sortir mais là évidemment c'est pas possible parce que je suis pas Monsieur Victor Hugo, je ne suis pas encore équipé pour ça. Ça sortait un peu de tous les côtés à la fois parce que je commençais toujours par la fin des haricots, avec Madame Rosa en état de manque et mon père qui avait tué ma mère parce qu'il était psychiatrique, mais il faut vous dire que j'ai jamais su où ça commence et où ça finit parce qu'à mon avis ça ne fait que continuer. [...]
        Ça me faisait vraiment du bien de leur parler parce qu'il me semblait que c'était arrivé moins, une fois que je l'avais sorti.

    Emile Ajar (alias Romain Gary), La vie devant soi, p.212-13
    Mercure de France, Paris, 1975


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  •     I went to record for RCA, signed up by Dave Kapp, who was fired (he told me years later) because he had signed me to a five-year contract. RCA told Dave Kapp I would never sell a record: 'She is an actress-dancer, not a singer,' he was told. I don't know what they thought I was doing on New Faces and at the Blue Angel. RCA released the most sophisticated and foreign language song of my repertoire to prove they were right; the record would not sell and they would be able to get out of the contract. The opposite happened: 'Usku Dara' was released and went to the top of the charts in a matter of days. The combination of Turkish and my voice was so out of the ordinary that the public's curiosity was roused to the extent that I became the only woman in the popular music department to make money for RCA in twenty-seven years.
        When I went to the studio to record, a white chauffeur-driven Rolls Royce was sent to pick me up and a red carpet was spread out on the sidewalk to welcome me; red roses were everywhere, even in the recording room itself, and Dom Pérignon champagne was on ice for all of my musicians - the number of them varied between thirty-five and sixty-five. These were wonderful times, with Henri René, my arranger-conductor, who I really felt great with. As long as he and Mannie Sacks and Hugo Winterhaulter were by my side, I felt safe and wanted and respected and protected. We were a happy group for years but when Mannie Sacks died, Elvis Presley and his management came onto the label and we were sacrified for Elvis; he was singing like a black then, very much in the Little Richard style, but getting the recognition Little Richard never got.
        I was lucky to have Henri René and Mannie Sacks behind me - not to mention the public, who made me the hottest recording personality of the Fifties, despite RCA's belief that I would 'never sell a record'. But the black people said, 'Oh, she thinks she's white,' which is ironic seeing as they accepted Elvis thinking he was black, until they saw his photograph on his records. I was accepted by the whites, the international whites, but it took some twenty years on the American scene before I was accepted by the blacks.

    Eartha Kitt, I'll still here, Confessions of a Sex Kitten, p.123
    Barricade Books Inc., New York, NY, 1991


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  •     La critique doctrinale du christianisme se déploie enfin sur le plan politique. Il ne s'agit pas ici, à ce niveau d'analyse, d'attaquer l'Eglise. C'est le dogme même du Christ qui est visé, ce qui permet d'atteindre ceux qui voudraient distinguer entre le Christ et l'Eglise. Si Dieu est objet d'une foi simple, il est cru à la manière d'un fait : il en est de même du Christ comme incarnation de Dieu et donc comme se plaçant au-dessus des hommes. C'est pourquoi, pour Jaurès, Dieu ainsi cru est nécessairement une "puissance dominatrice et tyrannique", la croyance en la personne du Christ entraînant tout aussi "nécessairement le despotisme théocratique".

    Vincent Peillon, Jean Jaurès et la religion du socialisme, p.207-08
    L'echec du christianisme : un monde sans religion
    Grasset, Le Collège de Philosophie, Paris, 2000


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  •     J'admire les réformations qu'on a faites sur les catholiques : cela valait bien la peine de s'en écarter. Voyez les pratiques ridicules et minutieuses de toutes ces petites sectes bâtardes et orgueilleuses, et leurs raisons pour croire à une chose plutôt qu'à une autre. J'aimerais mieux quelqu'un qui me niât tout, que celui qui médirait : J'entends la Création, mais je n'entends pas la Trinité ; j'entends la Trinité, mais je n'entends pas l'Immaculée Conception. Tout cela n'étant pas plus clair l'un que l'autre, qu'on croie sans discuter. Disputer, examiner, critiquer, s'ennuyer à cela dans ce monde-ci, pour ensuite se damner dans l'autre !

    Charles-Joseph de Ligne, Mes Ecarts, p.15
    Editions Labor - Espace Nord, Bruxelles, 1990


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  • (14) Et Yahvé-Elohim dit au Serpent :
    « Puisque tu as fait cela :
    Sois maudit entre tous les animaux et
                                             [bêtes sauvages !
    Sur ton ventre tu marcheras
    Et de terre te nourriras,
    Tous les jours de ta vie !
    (15) J'établis une hostilité entre toi et la femme,
    Entre ta descendance et la sienne :
    Elle te visera à la tête,
    Et toi, tu la veseras au talon ! »

    (16) Puis à la Femme Il dit :
    « Je multiplierai considérablement les
                                [peines de tes grossesses :
    Dans la douleur tu mettras tes enfants au
                                                        [monde !
    Ton élan te portera vers ton homme,
    Mais lui te tyrannisera ! »

    (17) Puis Il dit à l'Homme : « Puisque tu as écouté
    l'appel de ta femme et que tu as mangé de l'Arbre
    dont Je t'avais ordonné : "N'en mange pas !",
    Soit maudite la terre à cause de toi :
    (Ce n'est que) dans le travail-pénible (que) tu
                                                 [en tireras subsistance,
    Tous les jours de ta vie.
    (18) Elle te produira seulement des ronces et
                                                                 [des épines
    Et tu (n')auras à manger (que) l'herbe de la lande.
    (19) Tu (ne) mangeras de pain (qu')à à la sueur
                                                              [de ton visage,
    Jusqu'à ton retour à la Terre,
    Puisque (c'est) d'elle (que) tu as été tiré !
    Oui ! Tu es argile, et argile tu redeviendras ! »
    (20) L'Homme donna alors à sa femme le nom
    de Hawwa : car c'est la Mère de tous les
    Vivants (Haw) ! (21) Et Yahvé-Elohim fit à
    l'Homme et à sa femme des tuniques de peau
    Et les en revêtit.

    Jean Bottéro, Naissance de Dieu, La Bible et l'historien
    Le récit du péché origineldans Genèse, II, 25-III, p.272-73
    Folio histoire, Paris, 1992

    Nota bene : rappelons que pour le Père, Yahvé-Elohim est Dieu (la conscience universelle), le Serpent est le tentateur (la passion), la Femme est le moi intelligent (l'intelligence) et l'Homme le moi conscient (la conscience).


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  •     Ce jeu social de la distance, un autre type de jeu sur la langue le met en évidence : l'insulte.
        L'insulte est une des expressions langagières les plus brutes et les plus évidentes de la relation de pouvoir. On peut en effet parler avec d'un acte social, comme le sont l'acte d'allégeance, la déclaration d'amour, le salut. Le code civil le sait et entend bien gérer et canaliser ce type de sociabilité-là. Mais, en tant qu'acte verbal, elle présente deux particularités. D'abord, l'insulte est un acte pur. A priori, elle n'a besoin d'aucun matériau particulier. Un mot aussi banal que 'chaise' peut devenir une insulte : il faut et il suffit que l'intention d'insulter (contenue dans un membre de phrase comme "tu n'es qu'un..." ou dans un autre signe contigu comme un geste ou une tonalité particulière) existe et soit reconnue. Ensuite, l'insulte, instrument de pouvoir, institue d'abord une relation de contre-pouvoir. Avec elle, il s'agit de mettre en place une relation nouvelle, qui évince toutes celles que les formes policées de la langue pnt pu construire, et qui pose les partenaires dans une relation vierge, où tout peut advenir : avec l'insulte, on saisit donc le moment principiel qui fonde l'être et l'identité. Sur le plan social, l'insulte mime une joute ouverte, dont l'enjeu est un pouvoir à établir : ouverte, car elle peut déboucher soir sur le pouvoir exercé (dans ce cas, il y a victoire de l'insulteur), doit sur le pouvoir subi (c'est sa défaite).
        Par rapport à l'argot, l'insulte à ceci de plus : elle met en évidence le fait que la pratique langagière est (peut-être même tout d'abord) le lien des sentiments. Dès les premiers mots de l'être humain, toutes les émotions se modulent à travers sa langue : la tendresse, la solidarité, mais aussi la colère ou la tristesse. A cet égard, l'insulte est sans aucun doute une des manifestations les plus brutes et les plus profondes de la personnalité. D'ailleurs, si la psychanalyse avait été inventée par quelqu'un d'autre que Freud, au lieu de se servir du rêve , elle aurait pu prendre l'insulte comme voie d'accès aux profondeurs de l'individu.
        Imaginaire collectif : si, en principe, la mobilisation des m&tériaux verbaux de l'insulte est libre (il suffit, répétons-le, de proférer une formule comme "tu n'es qu'un..." ; c'est pourquoi tout fait farine au moulin sale de l'insulte chez Haddock, de la terminilogie rhétorique à celle de botanique), on constate qu'elle ne l'est pas dans les faits. Le matériau verbal qui la construit est rarement choisi au hasard, mais tend le plus souvent à renvoyer aux groids systèmes de valeurs qui fondent une société : les relations familiales et sexuelles, le système économique, les modes d'alimentation, les modèles éthiques. Ces systèmes de valeurs se révèlent donc à travers l'insulte et en retour, parce qu'elle les verbalise, elle contribue à les confirmer et à les renforcer de manière très visible et même caricaturale. Ce n'est donc pas seulement le psychanalyste qui pourrait la prendre comme matériau brut : ce sont le sociologue et l'anthropologue. Elle révèle en effet un puissant inconscient collectif (pas toujours beau à voir, au demeurant...).
        Agent destructeur et recréateur de la relation de pouvoir, révélateur de l'identité personnelle et de l'inconscient collectif : on comprend que l'insulte doive souvent maquillerses fonctions. D'où le caractère ludique qu'elle affecte souvent. Sous le couvert du jeu, elle acquiert sa légitimité tout en paraissant paradoxalement la refuser.
        Ce caractère ludique provient aussi du fait que l'insulte est pulsionnelle : grand exercice de rhétorique, elle consruit de smondes dont l'existence est momentanée, elle recourt à des inovations langagières, à des rencontres elles aussi momentanées. Il provient aussi du fait que l'insulte est destructrice ; elle constitue (avec le lapsus, le jeu de mots, la figure de style) un de ces rares moments où la langue se libère. D'ailleurs, ceux qui ont la chance de disposer de plusieurs codes linguistiques le savent : on insulte mieux dans la langue du ceur et de la solidarité que dans la langue de la raison et du pouvoir. C'est qu'avec l'insulte, la langue se libère des contraintes grammaticales et l'exicales, autant que l'insulteur se libère des contraintes sociales. Au coeur de cette libération, de grands trésors de créativité peuvent se trouver.
        Au même titre que la poésie, l'insulte est donc un des lieux où trouve à s'exercer l'immense plasticité de nos langues.

    Jean-Marie Klinkenberg, Le Jeu de la langue, p.151-53
    « tu parles !?, le français dans tous ses états
    Flammarion, 2000 en France, Paris, 2000


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  •     Faut-il donc faire attention aux rêves ? demanda Valet. Peut-on en donner une interpétation ?
        Le Maître le regarda dans les yeux et dit brièvement : « Il faut faire attention à tout, car on peut tout interpréter. »

    Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre, p.140
    Le Livre de Poche, Calmann-Lévy, Paris, 1943


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  •     Then why do the “Universala Esperanto-Asocio” enjoys consultave relations with both UNESCO and the United Nations? Why is Esperantism described as “democracy”, “education”, “rights”, “emancipation”,… Why do still Esperantists support Esperanto, when it hasn’t got any advantages at all, and they know it?
        The only conclusion possible is that Esperantism (and some other fanatic conlangism) is actually a religion, because it’s based on faith alone: faith on believed “easiness”, on believed “neutrality”, on believed “number of speakers”, without any facts, numbers or studies to support it; on the belief that languages can be “better” and “worse” than others. And it’s obviously nonsense to discuss faith and beliefs, as useless as a discussion about Buddha, Muhammad or Jesus. But, trying to disguise those beliefs as facts helps nobody, not even Esperantism, as it can only attract those very people that see creationism and alternative medicines as real alternatives to raw scientifical knowledge. Esperanto is the god, Zamenhof the messiah and the UEA its church.

    Indo-European
    source : http://carlosquiles.com/indo-european-language-blog/2008/11/a-simple-faq-about-the-advantages-of-esperanto-and-other-conlangs-easy-neutral-and-number-of-speakers/


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  •     Pourquoi y a-t-il si peu de gens naturels dans le monde ? Il y en a qui étant capables de sentiments vrais s'en font de factices, pour essayer si, de cette façon, ils produiront plus d'effet. Ils sont bien punis de leur peine et de leur gêne. Ils perdent par calcul un succès qu'ils auraient obtenu par nature.

    Charles-Joseph de Ligne, Mes Ecarts, p.19
    Editions Labor - Espace Nord, Bruxelles, 1990


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  •     Mais tu ne devras jamais oublier ce que je t'ai dit souvent : nous sommes faits pour reconnaître avec précision les antinomies, tout d'abord en leur qualité d'antinomies, mais ensuite en tant que pôles d'une unité. Il en est également ainsi du Jeu des perles de verre. Les natures d'artistes en sont éprises, parce qu'on peu y faire montre d'imagination ; les esprits rigoureusement scientifiques et spécialisés le méprisent - et avec eux beaucoup de musiciens - sous prétexte qu'il lui manque ce degré de rigueur dans la discipline où peuvent atteindre les sciences particulières. Soit, tu apprendras à connaître ces antinomies et tu découvriras avec le temps que ce ne sont pas là des antinomies d'objets, mais celles des sujets, que par exemple un artiste qui fait oeuvre d'imagination évite les mathématiques pures et la logique non parce qu'il a décelé quelque chose en elles, ni parce qu'il y trouve à redire, mais parce que d'instinct il est porté ailleurs. Tu pourras, à ce genre d'inclinations et de répugnances instinctives et violentes, reconnaître avec sûreté les âmes mesquines. Dans la réalité, c'est-à-dire chez les âmes grandes et les esprits supérieurs, ces passions n'existent pas. Chacun de nous n'est rien de plus qu'humain, rien de plus qu'un essai, une étape. Mais cette étape doit le conduire vers le lieu où se trouve la perfection, il doit tendre vers le centre et non vers la périphérie.

    Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre, p.141-42
    Le Livre de Poche, Calmann-Lévy, Paris, 1943


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  •     Je l'ai écouté hier me répliquer que le Recueil n'était qu'un code irréaliste fondé sur une vision utopique de l'homme et qu'il devait arriver nécessairement qu'un pays obnubilé par de telles visions chimériques se détruise.

    Francine Lachance, La Québécie (p.36-37)
    Editions du Grand Midi, Zurich, 1990 / Québec, 2001

    Suggestion : Remplacer Recueil par Enseignement et pays par communauté...


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