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Par antoiniste le 9 Décembre 2009 à 12:17
Je ne suis pas végétarien et ne compte pas le devenir. Mais j'ai bien l'intention de réduire sérieusement ma consommation de viande, je suis sérieux, la viande contribue au réchauffement climatique et à la faim dans le monde. Voir les liens ci-dessous :
http://bidoche-lelivre.com/
http://www.bastamag.net/spip.php?article701
En cette semaine où s'ouvre le sommet de Copenhague, vous verrez qu'il y a un lien entre manger de la viande et le réchauffement climatique (entre autres choses).
Merci à Laurent pour ce mail.
Et à revoir : la vidéo dont l'auteur parle dans le chapitre 2 « Sauver le bœuf », un grand délire télévisé. Cet émission montre le parfait exemple du discours scientifique tenu dans les années 60/70. Le reporter semble plus dubitatif...
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Par antoiniste le 9 Décembre 2009 à 12:16
Traditionnellement, les Beta Israel ont été associés à des activités artisanales comme la métallurgie, la poterie et le tissage, qui procuraient aux ménages d'agriculteurs une source de revenus complémentaire. Parmi ces activités, la métallurgie et la poterie méritent une attention particulière, à cause de leur statut social bas, de leur distributions ethniques et des propriétés surnaturelles dont elles sont créditées. L'association des Beta Israel et de la métallurgie semble plonger ses racines dans les bouleversements économiques qui affectèrent les Beta Israel au quinzième siècle. Presque tous les observateurs modernes ont fait des observations sur l'exercice de ce métier situé au bas de l'échelle sociale. Travaillant en équipes, avec des soufflets en peau de chèvre, les forgerons Beta Israel fabriquaient faucilles, socs, haches, couteaux, houes et une gamme étendue d'autres produits. Quand les armes à feu n'étaient pas encore disponibles en grandes quantités, ils jouaient un rôle crucial dans l'équipement de l'armée en fers de lance, épées, poignards, etc. Bien souvent, ils étaient même obligés de suivre l'armée en campagne. A une date plus récente, ils se mirent également à fabriquer des cartouches et à réparer des fusils. En Éthiopie, comme en beaucoup d'autres régions d'Afrique, l'habileté du forgeron à transformer le métal brut en produit fini lui conférait un grand poids économique mais le rendait socialement et religieusement suspect. Les forgerons passaient pour détenir des connaissances particulières et secrètes sur le monde surnaturel et ses forces. En Éthiopie, les forgerons et, par extension, les Beta Israel étaient tenus pour buda (ayant le mauvais oeil) et étaient accusés de s'attaquer à leurs voisins grâce au mauvais oeil ou en se transformant en hyènes. Pour désigner les pouvoirs surnaturels et potentiellement dangereux du forgeron Beta Israel, on employait fréquemment le terme tabib, qui signifie 'sage', 'artisan', 'habile' mais aussi 'magicien'.
Steven Kaplan, Les Falashas, p.165
Editions Brépols, Paris, 1990
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Par antoiniste le 8 Décembre 2009 à 10:56
Si je m'arrête un instant
Pour te parler de ma vie
Juste comme ça tranquillement
Dans un bar rue St-Denis
J'te raconterai les souvenirs
Bien gravé dans ma mémoire
De cette époque où vieillir
Était encore bien illusoire
Quand j’agaçais les p’tites filles
Pas loin des balançoires
Et que mon sac de billes
Devenait un vrai trésor
Et ces hivers enneigés
À construire des igloos
Et rentrer les pieds g’lés
Juste à temps pour Passe-Partout
Mais au bout du ch’min dis-moi c’qui va rester
De la p’tite école et d’la cour de récré ?
Quand les avions en papier ne partent plus au vent
On se dit que l’bon temps passe finalement…
…comme une étoile filante
Si je m’arrête un instant
Pour te parler de la vie
Je constate que bien souvent
On choisit pas, mais on subit
Et que les rêves des ti-culs
S’évanouissent ou se refoulent
Dans cette réalité crue
Qui nous embarque dans le moule
La trentaine, la bedaine
Les morveux, l’hypothèque
Les bonheurs et les peines
Les bons coups et les échecs
Travailler, faire d’son mieux
En arracher, s’En sortir
Et espèrer être heureux un peu avant de mourir
Mais au bout du ch’min dis-moi c’qu’y va rester
De notre p’tit passage dans ce monde effréné ?
Après avoir existé pour gagner du temps
On s’dira que l’on était finalement…
…que des étoiles filantes
Si je m’arrête un instant
Pour te parler de la vie
Juste comme ça tranquillement
Pas loin du Carré St-Louis
C’est qu’avec toi je suis bien
Et que j’ai pu’l’goût de m’en faire
Parce que tsé voir trop loin
C’pas mieux que r’garder en arrière
Malgré les vieilles amertumes
Et les amours qui passent
Les chums qu’on perd dans’ brume
Et les idéaux qui se cassent
La vie s’accroche et renaît
Comme les printemps reviennent
Dans une bouffée d’air frais
Qui apaise les cœurs en peine
Ça fait que si à’ soir t’as envie de rester
Avec moi, la nuit est douce on peut marcher
Et même si on bien que tout dure rien qu’un temps
J’aimerais ça que tu sois pour un moment…
…mon étoile filante
Mais au bout du ch’min dis-moi c’qui va rester…
Mais au bout du ch’min dis-moi c’qui va rester…
…que des étoiles filantes
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:39
LE diagnostic, dans une perspective historique, a eu pendant des siècles une fonction éminemment thérapeutique. L'essentiel de la rencontre entre médecin et malade était verbal. Encore au commencement du XVIIIe siècle, la visite médicale était une conversation. Le patient racontait, s'attendant à une écoute privilégiée de la part du médecin; il savait encore parler de ce qu'il ressentait, un déséquilibre de ses humeurs, une altération de ses flux, une désorientation de ses sens et de terrifiantes coagulations. Quand je lis le journal de tel ou tel médecin de l'âge baroque (XVIe et XVIIe siècles), chaque annotation évoque une tragédie grecque. L'art médical était celui de l'écoute. Il assumait le comportement qu'Aristote, dans sa Poétique, exige du public au théâtre, différant sur ce point de son maître Platon. Aristote est tragique par ses inflexions de voix, sa mélodie, ses gestes, et non pas seulement par les mots. C'est ainsi que le médecin répond mimétiquement au patient. Pour le patient, ce diagnostic mimétique avait une fonction thérapeutique.
Cette résonance disparaît bientôt, l'auscultation remplace l'écoute. L'ordre donné cède la place à l'ordre construit, et cela pas seulement dans la médecine. L'éthique des valeurs déplace celle du bien et du mal, la sécurité du savoir déclasse la vérité. Pour la musique, la consonance écoutée, qui pouvait révéler l'harmonie cosmique, disparaît sous l'effet de l'acoustique, une science qui enseigne comment faire sentir les courbes sinusoïdales dans le médium.
Cette transformation du médecin qui écoute une plainte en médecin qui attribue une pathologie arrive à son point culminant après 1945. On pousse le patient à se regarder à travers la grille médicale, à se soumettre à une autopsie dans le sens littéral de ce mot: à se voir de ses propres yeux. Par cette auto-visualisation, il renonce à se sentir. Les radiographies, les tomographies et même l'échographie des années 70 l'aident à s'identifier aux planches anatomiques pendues, dans son enfance, aux murs des classes. La visite médicale sert ainsi à la désincarnation de l'ego.
Il serait impossible de procéder à l'analyse de la santé et de la maladie en tant que métaphores sociales, à l'approche de l'an 2000, sans comprendre que cette auto- abstraction imaginaire par le rituel médical appartient, elle aussi, au passé. Le diagnostic ne donne plus une image qui se veut réaliste, mais un enchevêtrement de courbes de probabilités organisées en profil.
Le diagnostic ne s'adresse plus au sens de la vue. Désormais, il exige du patient un froid calcul. Dans leur majorité, les éléments du diagnostic ne mesurent plus cet individu concret; chaque observation place son cas dans une «population» différente et indique une éventualité sans pouvoir désigner le sujet. La médecine s'est mise hors d'état de choisir le bien pour un patient concret. Pour décider des services qu'on lui rendra, elle oblige le diagnostiqué à jouer son sort au poker.
Ivan Illich, L'obsession de la santé parfaite
source : http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/illich/sante-parfaite.htm
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:38
L'espace métaphysique est oublié, et s'il est mentionné c'est pour donner à entendre qu'il dépend de la matérialité des réussites. Ce "mouvement spirituel" se règle sur le triomphe du gigantisme indifférent, au détriment de son contraire : la démesure vertigineuse, qui est la mesure même de l'individu face à son destin, quête de l'absolu, toute connaissance désintéressée portée à son paroxysme. Dans cette prose, où le dépassement érigé en culte est toujours dépassement vers la suprématie des nantis, la litanie élitaire a quelque chose d'obscène : marchands du temple plus exhibitionnisme. Elle déprave la notion même de responsabilité. La fièvre de liberté s'identifie à celle du profit. La liberté est l'affaire des affairistes, semble-t-on nous répéter, inlassablement, avec, dans la vois, des intonations de repu, au sortir de chez Maxim's. Mais cette liberté-là n'a pas sa place dans nos sombres ivresses, ces tâtonnements et titubations qui nous dépouillent sans répit des pulsions cupides. C'est la lucidité, cette objection au bonheur, qui nous fait préférer les fiers désespoirs, fussent-ils barbares et démentiels, aux optimismes de luxe. La France des fortunés et des sans-âme, aspirée par les fureurs hypercapitalistes, peut crever des pires cancers. Je ne serais pas le dernier à m'en esbaudir.
Marcel Moreau, Montre (1986), p.185-86
Luneau Ascot Editeurs, Paris
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:36
On le croyait fondateur de la ville,
Venu des pays clairs et lointains
Vers ceux d'Europe — avec sa pauvre crosse en main,
Et grand, sous sa bure servile.
Pour se faire écouter il parlait par miracles,
En des clairières d'or, le soir, dans les forêts.
Où des granits carraient leurs symboles épais,
Et tonnaient leurs oracles.
Il était la tristesse et la douceur
Descendue autrefois, à genoux, du calvaire,
Vers les hommes et leur misère
Et vers leur coeur.
Il accueillait l'humanité fragile,
Il lui chantait le paradis sans fin
Et l'endormait dans le rêve divin,
Le front posé sur l'évangile.
Plus tard, le roi, le juge et le bourreau
Prirent son verbe et le faussèrent ;
Et les textes autoritaires
Apparurent, tels des glaives hors du fourreau.
Contre la paix qu'il avait inclinée
Vers tous, de son geste clément,
La vie, avec des cris et des sursauts déments,
Brusque et rouge, fut dégainée.
Mais lui resta le clair apôtre et le soleil
Tiédi, aux yeux de tous, de patience et d'indulgence
Et la pieuse et populaire intelligence
Venait puiser en lui la force et le conseil.
On l'invoquait pour les fièvres et pour les peines,
On le fêtait en mai, au soir tombant,
Et des mères apportaient leurs enfants
Baigner leurs maux dans l'eau de sa fontaine.
Son nom large et sonore d'amour
Marquait la fin des longues litanies
Et des complaintes infinies
Que l'on chantait, depuis toujours.
Il se définissait, près d'un portail roman,
En une image usée et tremblotante,
Qui écoutait, dans la poitrine
Haletante des tours,
Les bourdons lourds clamer au firmament.
Emile Verhaeren, Une statue, p.120
Les Villes tentaculaires (1895)
source : archive.org
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:32
Je veux chercher mon équilibre dans l'apprentissage de l'art de souffrir et de l'autolimitation dans la recherche du soulagement.
Ivan Illich, Le renoncement à la santé
Repris du site Sorceresses Reborn / Le Cercle des Sorcières Disparues
source : http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/illich/renoncement-sante.htm
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:31
Et saurait-on pourquoi les masses s'attiraient ? L'attraction : c'était un mot commode qui servait à tout expliquer ; était-ce autre chose qu'un mot ? Étions-nous vraiment plus savants que les alchimistes de Carmona ? Nous avions mis en lumière certains faits qu'ils ignoraient, nous les avions groupés en bon ordre ; mais nous étions-nous enfoncés d'un seul pas dans le coeur mystérieux des choses ? Le mot de force était-il plus clair que celui de vertu ? Celui d'attraction plus que le mot : âme ? Et quand on appelait : électricité, la cause de ces phénomènes qu'on provoquait en frottant l'ambre ou le verre, était-on mieux renseigné que lorsqu'on appelait Dieu la cause du monde ?
Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels
Folio n°533, Paris, 1992 (p.417-18)
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:30
L'évolution d'une société destinée à des fins supérieures doit être morale ; elle doit suivre le sillon des roues célestes. Elle doit avoir des buts universels. Qu'est-ce qui est moral ? C'est de respecter en agissant les fins catholiques ou universelles. Écoutez la définition que Kant donne de la conduite morale : « Agis toujours de telle sorte que le motif immédiat de ton vouloir puisse devenir une règle universelle pour tous les êtres intelligents. »
La Civilisation
Ralph Waldo Emerson
traduit par Marie Dugard (1911)
source : http://fr.wikisource.org/wiki/La_Civilisation
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:30
Plusieurs fois, j'appelai doucement la mort sans ambages. Je me souviens, j'étais assis, un coude sur la table, devant un verre et mes manuscrits. J'écoutais, haletant, d'insignifiantes rumeurs montant en moi, de quelque organe en difficulté. Rien ne m'eût alors semblé plus accordé à ce que je venais décrire que d'être parcouru tout entier par un mal inexorable. J'étais prêt pour le cancer, l'infarctus, l'hémorragie cérébrale. Tout cela pouvait me prendre et m'emmener, moi et mes ultimes secrets, vers le pays d'où nul ne revient. La dernière page s'ouvrait : tombe, sépulture de mots, et c'est très bien ainsi, la métaphore en moins. J'étais même impatient : "Mais qu'attendez-vous donc ?" lançai-je au corps éberlué, ce lourd dadais plié sur la chaise, enténébré de virus. Je ne puis traduire une telle émotion. Je jure qu'elle n'est pas triste, pas ce que l'on pourrait croire. Quand j'aime la mort, je l'aime avec joie, et j'étonnerais plus d'un témoin par la beauté de mon sourire, par la qualité de la lumière, dans mon regard. Nul ne devrait regretter de me voir disparaître dans ces conditions-là, qui sont celles de l'enchantement poétiques. Elles consacrent une victoire plus qu'elles ne consomment une défaite. Bref, je vais bien quand je souhaite aller mal. C'est un moment de pur nostalgie, ou de griefs. Le corps a subi sans broncher, l'esprit a donné sans compter. Que demander à la vie qui soit encore plus fort, plus révélant ? Je suis né de peu et je vais au rien, la joie est dans le Tout, cette distance de l'un à l'autre, saturé de sensations.
Marcel Moreau, Montre (1986), p.193-94
Luneau Ascot Editeurs, Paris
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:28
Vers 1920, à une époque où la présence wallonne tend à s’effacer, naît dans le journal du syndicat des métallurgistes suédois le mythe du travailleur wallon à la fois fort et doté d’une vive conscience de classe transposé dans le passé. Ce journal, Metallarbetaren, écrit ces lignes étonnantes : « Les Wallons sont plus forts que les Flamands (les habitants germaniques de la Belgique), plus maigres, plus nerveux, plus sains, et ils vivent plus longtemps. Leur habileté et leur professionnalisme sont supérieurs à ceux des Flamands. Ils dépassent les Français en ténacité et ardeur – qualités qui ont favorisé leur immigration en Suède. Mais leur impétuosité passionnée les fait ressembler au peuple français. » (3 juin 1922). S’invente le mythe du Wallon capable de résister syndicalement, notamment par la grève, proposé comme modèle aux Suédois.
Anders Florén et Maths Isacson, dans De fer et de feu, l’émigration wallonne vers la Suède (2003), écrivent : « Sans doute existait-il, en ces temps difficiles de crise, un fort besoin de modèles, et les Wallons offraient-ils une incarnation idéale des valeurs que le syndicat des métallurgistes entendait promouvoir. » Le choc de l’émigration wallonne en Suède s’est donc révélé durable, jusqu’à incarner le mythe d’un wallon, héros syndical, qui ne correspond pas à la réalité historique des XVIIe et XVIIIe siècles ni à la réalité des années 20 en Suède.
source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wallons_de_Su%C3%A8de
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:23
« Être amoureux c'est simplement être dans un état d'anesthésie perpétuelle — prendre un homme ordinaire pour un dieu grec et une femme ordinaire pour une déesse. »
H. L. Mencken, Prejudices, First Series, 1919
(en anglais : « To be in love is merely to be in a state of perpetual anesthesia — to mistake an ordinary young man for a Greek god or an ordinary young woman for a goddess. »)
source : http://fr.wikipedia.org/wiki/H._L._Mencken
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Par antoiniste le 4 Décembre 2009 à 13:22
Je vis dans une réalité fabriquée, constamment plus éloignée de la création. Je sais aujourd'hui ce que cela signifie et quelles horreurs menacent chacun de nous.
Ivan Illich, Le renoncement à la santé
Repris du site Sorceresses Reborn / Le Cercle des Sorcières Disparues
source : http://olivier.hammam.free.fr/imports/auteurs/illich/renoncement-sante.htm
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Par antoiniste le 1 Décembre 2009 à 15:16
Puis, l'ébauche, lente à naître, de la cité :
Forces qu'on veut dans le droit seul planter ;
Ongles du peuple et mâchoires de rois ;
Mufles crispés dans l'ombre et souterrains abois
Vers on ne sait quel idéal au fond des nues ;
Tocsins brassant, le soir, des rages inconnues ;
Textes de délivrance et de salut, debout
Dans l'atmosphère énorme où la révolte bout ;
Livres dont les pages, soudain intelligibles,
Brûlent de vérité, comme jadis les Bibles ;
Hommes divins et clairs, tels des monuments d'or
D'où les événements sortent armés et forts ;
Vouloirs nets et nouveaux, consciences nouvelles
Et l'espoir fou, dans toutes les cervelles,
Malgré les échafauds, malgré les incendies
Et les tètes en sang au bout des poings brandies
Elle a mille ans la ville,
La ville âpre et profonde ;
Et sans cesse, malgré l'assaut des jours,
Et les peuples minant son orgueil lourd,
Elle résiste à l'usure du monde.
Quel océan, ses coeurs ! quel orage, ses nerfs !
Quels noeuds de volontés serrés en son mystère !
Victorieuse, elle absorbe la terre ;
Vaincue, elle est l'offre de l'univers :
Toujours, en son triomphe ou ses défaites,
Elle apparaît géante, et son cri sonne et son nom luit,
Et la clarté que font ses feux dans la nuit
Rayonne au loin, jusqu'aux planètes !
O les siècles et les siècles sur elle !
Son âme, en ces matins hagards,
Circule en chaque atome
De vapeur lourde et de voiles épars ;
Son âme énorme et vague, ainsi que ses grands dômes
Qui s'estompent dans le brouillard ;
Son âme, errante, en chacune des ombres
Qui traversent ses quartiers sombres.
Avec une ardeur neuve au bout de leur pensée ;
Son âme formidable et convulsée :
Son âme, où le passé ébauche
Avec le présent net l'avenir encor gauche.
O ce monde de fièvre et d'inlassable essor
Rué, à poumons lourds et haletants,
Vers on ne sait quels buts inquiétants ?
Monde promis pourtant à des lois d'or,
A des lois douces, qu'il ignore encore
Mais qu'il faut, un jour, qu'on exhume,
Une à une, du fond des brumes.
Monde aujourd'hui têtu, tragique et blême
Qui met sa vie et son âme dans l'effort même
Qu'il projette, le jour, la nuit,
A chaque heure, vers l'infini.
O les siècles et les siècles sur cette ville !
Le rêve ancien est mort et le nouveau se forge.
Il est fumant dans la pensée et la sueur
Des bras fiers de travail, des fronts fiers de lueurs,
Et la ville l'entend monter du fond des gorges
De ceux qui le portent en eux
Et le veulent crier et sangloter aux cieux.
Et de partout on vient vers elle,
Les uns des bourgs et les autres des champs,
Depuis toujours, du fond des loins ;
Et les routes éternelles sont les témoins
De ces marches, à travers temps,
Qui se rythment comme le sang
Et s'avivent, continuelles.
Le rêve ! il est plus haut que les fumées
Qu'elle renvoie envenimées
Autour d'elle, vers l'horizon;
Même dans la peur ou dans l'ennui,
Il est là-bas, qui domine, les nuits,
Pareil à ces buissons
D'étoiles d'or et de couronnes noires,
Qui s'allument, le soir, évocatoires.
Et qu'importent les maux et les heures démentes,
Et les cuves de vice où la cité fermente,
Si quelque jour, du fond des brouillards et des voiles,
Surgit un nouveau Christ, en lumière sculpté,
Qui soulève vers lui l'humanité
Et la baptise au feu de nouvelles étoiles.
Emile Verhaeren, L'âme de la ville, p.115
Les Villes tentaculaires (1895)
source : archive.org
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Par antoiniste le 30 Novembre 2009 à 14:24
- En vérité, dis-je, je ne crois pas au progrès.
- Pourtant il est bien évident que nous sommes plus près qu'autrefois de la vérité et même de la justice.
- Êtes-vous sûre que votre vérité et votre justice valent plus que celles des siècles passés ?
- Vous conviendrez que la science est préférable à l'ignorance, la tolérance au fanatisme, la liberté à l'esclavage ?
Elle parlait avec une naïve ardeur qui m'irrita ; c était leur langage qu'elle me parlait. Je dis :
- Un homme m'a dit un jour : il n'existe qu'un seul bien, c'est d'agir selon sa conscience. Je pense qu'il avait raison et que tout ce que nous prétendons faire pour les autres ne sert à rien.
Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels
Folio n°533, Paris, 1992 (p.405)
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Par antoiniste le 30 Novembre 2009 à 14:17
Il y a chez l'homme une étrange pudeur d'être bon.
Maxence van der Meersch, Corps et âmes, p.46
Livre de Poche, Tome 1, Chapitre troisième
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Par antoiniste le 30 Novembre 2009 à 14:15
Oh! qui donc serait assez étrange, sous le soleil, pour essayer de s'imaginer qu'il ne joue pas la comédie jusqu'à la mort? Ceux-là seuls qui ne savent pas leurs rôles prétendent le contraire. Tout le monde la joue! forcément! Et chacun avec soi-même. Être sincère? Voilà le seul rêve tout à fait irréalisable. Sincère! Comment serait-ce possible, puisqu'on ne sait rien? puisque personne n'est, vraiment, persuadé de rien! puisque l'on ne se connaît pas soi-même? - L'on voudrait convaincre son prochain que l'on est, soi-même, convaincu d'une chose - (alors que, dans la conscience mal étouffée, l'on entend, l'on voit, l'on sent le douteux de cette même chose)! - Et pourquoi? Pour se magnifier d'une foi d'ailleurs toute fictive, dont personne n'est dupe une seconde et que l'interlocuteur ne feint d'admettre... qu'afin qu'il lui soit rendu la pareille tout à l'heure. Comédie, vous dis-je. Mais si l'on pouvait être sincère, aucune société ne durerait une heure, - chacun passant l'existence à se donner de perpétuels démentis, vous le savez! Je défie l'homme le plus franc d'être sincère une minute sans se faire casser la figure ou se trouver dans la nécessité de la briser à ses semblables. Encore une fois, que savons-nous, pour oser émettre une opinion sur quoi que ce soit qui ne soit pas relative à mille influences de siècle, de milieux, de dispositions d'esprit, etc. - En amour? Ah! si deux amants pouvaient jamais se voir réellement, tels qu'ils sont, et savoir, réellement, ce qu'ils pensent ainsi que la façon dont ils sont conçus l'un par l'autre, leur passion s'envolerait à la minute! Heureusement pour eux ils oublient toujours cette loi physique inéluctable: «deux atomes ne peuvent se toucher.» Et ils ne se pénètrent que dans cette infinie illusion de leur rêve, incarnée dans l'enfant, et dont se perpétue la race humaine.
Sans l'illusion, tout périt. On ne l'évite pas. L'illusion, c'est la lumière! Regardez le ciel au-dessus des couches atmosphériques de la terre, à quatre ou cinq lieues, seulement, d'élévation: vous voyez un abîme couleur d'encre, parsemé de tisons rouges de nul éclat. Ce sont donc les nuages, symboles de l'Illusion, qui nous font la Lumière! Sans eux, les Ténèbres. Notre ciel joue donc lui-même la comédie de la Lumière - et nous devons nous régler sur son exemple sacré.
Auguste Villiers de L'Isle-Adam, L'Eve Future
Flammarion, p.287, Livre V, Chapitre II
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Par antoiniste le 30 Novembre 2009 à 14:08
Tout cette foule, engoncée dans des bonnets de laine verts et rouges, tirés sur les oreilles, des cache-nez marron ou bleu marine, des pardessus gris-vert, des tabliers azur, des fichus jaune ou blanc-sale, de vieux manteaux lie-de-vin, violine ou bruns, faisait au long des bancs un bariolage de couleurs agressives, heurtées et crues. A tout instant de nouveaux arrivants pénétraient dans la salle, venaient s'asseoir parmi les autres. On parlait peu. On regardait vers la porte du fond, vers la pièce où le gros Belladan, le chef de clinique du professeur de chirurgie infantile, opérait les amygdales et les polypes. Toutes les trois minutes, cette porte s'ouvrait : quatre, cinq mamans, des femmes du peuple voûtées et terrifiées, dans leurs hardes flottantes et délavées, sortaient, chacune portant sur ses bras un poupon, un enfant livide ou pourpre, le nez et la bouche ensanglantés, et qui hurlait. Elles revenaient à leur place, un interne leur apportait un morceau de glace à faire sucer.
"A d'autres !" appelait le gros Belladan.
Cinq autres femmes se levaient, s'avançaient vers le fond avec leurs gosses glacés de peur. La porte se refermait sur elles. Des cris affreux. La porte se rouvrait. Nouveau retour des enfants à la bouche sanglante.
"A d'autres !"
Cela allait prodigieusement vite. Comme à la chaîne. Il le fallait bien, d'ailleurs. Chaque matin, au dispensaire, on avait à arracher gratis des centaines d'amygdales ou de polypes. Michel alla jeter un coup d'oeil dans la petite salle d'opération, et serrer la main à Belladan. Une fois de plus, il s'étonna de la virtuosité du chef de clinique. Un infirmier empoignait un gosse, le ligotait sur une chaise, ou simplement le maintenait vigoureusement dans ses bras solides. Un projecteur sur roulettes, approché à un mètre du visage du gosse, aveuglait l'enfant. On ouvrait la bouche du petit, le plus souvent de force, parce qu'il ne voulait pas. Un interne lui passait entre les dents l'ouvre-bouche, lui ouvrait démesurément les mâchoires. Belladan plongeait l'abaisse-langue, écrasait la langue, empêchait l'effort de vomissement désespéré du patient, enfonçait très vite une curette, loin derrière le voile du palais, la remontait haut, vers la base du crâne, agitait, raclait, grattait. Le sang coulait. Des hurlements. Des quintes. Des haut-le-coeur. L'enfant, étouffé, ligoté, fou de souffrance et d'épouvante, avalait, s'étranglait, vomissait, crachait souvent en pleine figure de Belladan les débris sanglants arrachés à sa gorge. C'était fini. On le délivrait. La mère l'emportait en sanglotant. Et Belladan s'essuyait le visage avec un tampon de ouate, en faisant signe de ligoter le suivant.
" Il faudrait endormir, évidemment, disait-il à Michel, tout en épongeant un crachat vermeil dans ses sourcils. On ne peut pas. A peine une légère anesthésie locale, quand j'ai le temps. Mais c'est rare ! Ils sont trop. Tu vois l'encombrement ! Il n'y a vraiment pas moyen. Reste à savoir si la chirurgie doit s'adapter aux nécessités du dispensaire, ou si plutôt ça ne serait pas au dispensaire à s'adapter aux nécessités de la chirurgie. Médecine d'administration, déjà, mon vieux, médecine étatisée... Ça nous promet du joli pour plus tard. Je plains les malades de ce temps à venir ! Et je plains le médecin aussi : Parce que tu verras : ce ne sera pas l'administration qui sera au service de la médecine. Ce sera le médecin qui devra s'accommoder des exigences de l'administration ! Et on rigolera ! Ça y est ? Il est prêt ? Allons, mon petit père, du courage... "
Maxence van der Meersch, Corps et âmes, p.36-37
Livre de Poche, Tome 1, Chapitre troisième
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